La nouvelle mouture du projet de modernisation de Loi sur les langues officielles déposée mardi à la Chambre des communes a plus de dents que la précédente. La ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor, n’a pas dénaturé le travail de sa prédécesseure, Mélanie Joly. Au contraire, elle l’a bonifié.

Rappelons que le projet de loi C-13 a pour objectif de modifier la Loi sur les langues officielles. Il édicte en outre la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale en plus d’apporter des modifications à d’autres lois, par exemple en ce qui concerne la nomination de juges bilingues à la Cour suprême du Canada.

Mme Petitpas Taylor a visiblement entendu les critiques des groupes de défense du français, comme la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), qui réclamaient une loi avec plus de mordant. Mais la ministre pourrait aller encore plus loin.

Elle pourrait, entre autres, donner plus de latitude au commissaire aux langues officielles. Ce dernier réclamait le pouvoir d’imposer des sanctions financières aux contrevenants. Le projet de loi actuel lui accorde un « pouvoir de sanctions administratives pécuniaires » qui s’appliquera à des sociétés comme Air Canada et VIA Rail, ainsi qu’à toutes les autorités aéroportuaires.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

L’unilinguisme de Michael Rousseau, PDG d’Air Canada, a fait les manchettes depuis son discours prononcé exclusivement en anglais devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain l’automne dernier.

Sauf que le motif d’une plainte ne peut être sanctionné qu’une seule fois, et que la sanction est plafonnée à 25 000 $. Est-ce que cette somme aura vraiment un pouvoir dissuasif ? Il est permis d’en douter. Pourquoi ne pas prévoir, par exemple, des mesures plus sévères pour les récidivistes ?

La FCFA demandait également que la coordination de l’application de la Loi soit confiée à une seule agence centrale. La loi prévoit plutôt confier cette responsabilité à quatre instances : Patrimoine canadien, le Secrétariat du Conseil du trésor, le Commissariat aux langues officielles et la ministre des Langues officielles.

À notre avis, le partage des responsabilités ouvre la porte à la déresponsabilisation. Une seule instance pourrait très bien assumer seule la tâche.

Enfin, nombreux sont ceux qui soulèvent, comme le fait le député conservateur Joël Godin, l’absence de cibles précises en ce qui concerne l’immigration francophone, une avenue pour contrer le déclin du français au pays.

Le Canada accuse déjà un retard quant aux objectifs qu’il s’est fixés. Or, la loi reste vague à ce sujet et promet des mesures plus précises dans un plan d’action à venir. Nous croyons que des cibles précises auraient pu être inscrites dans la loi. C’est bien beau de faire la promotion de la langue française, mais s’il n’y a personne pour la parler, on ne sera pas plus avancé.

En ce qui concerne la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale, rappelons qu’en novembre dernier, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité une motion réitérant l’importance d’appliquer la Charte de la langue française (loi 101) aux entreprises à charte fédérale. Sachant que les deux tiers des entreprises se conforment déjà volontairement à la loi québécoise, la ministre Petitpas Taylor devra absolument s’entendre avec Québec sur cette question afin d’éviter toute confrontation inutile ainsi qu’un éventuel dédoublement du travail administratif pour les entreprises.

Au final, et au-delà de toutes les mesures qu’on pourra adopter dans un éventuel plan d’action sur les langues officielles, Ottawa doit faire la preuve d’une réelle volonté politique de défendre et promouvoir le français partout au pays.

Rappelons qu’il y a un an, notre collègue Joël-Denis Bellavance révélait que le Bureau du Conseil privé lui-même n’avait pas respecté la Loi sur les langues officielles puisqu’il avait distribué des milliers de pages de documents en lien avec la gestion de la pandémie en anglais seulement à la Chambre des communes. Un mois plus tard, notre collègue rendait public un document démontrant que près de la moitié des ministères et organismes fédéraux contrevenaient eux aussi à la loi en ne transmettant pas le bilan de progression de l’application de cette loi au sein de leur organisation.

Si le gouvernement Trudeau ne se conduit pas de manière exemplaire dans le dossier de la langue, difficile de voir comment il pourra appliquer une nouvelle loi, aussi contraignante soit-elle.

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