Une discussion au sujet du redécoupage de la carte électorale fédérale vient d’être relancée par le Bloc québécois. Elle concerne le poids du Québec à Ottawa et elle est fondamentale.

Rappel : l’automne dernier, dans la foulée du recensement, le directeur général des élections du Canada (DGE) a indiqué que le nombre de sièges à la Chambre des communes doit grimper et passer de 338 à 342.

Cette modification est suggérée en vertu des changements démographiques au pays.

Le problème, pour le Québec, c’est que sa population n’augmente pas aussi rapidement que dans le reste du Canada.

Le DGE estimait donc que le nombre de sièges attribués au Québec devait chuter. Selon ses calculs, la province allait perdre un siège (et passer de 78 à 77).

Or, le Bloc vient de faire adopter mercredi une motion selon laquelle tout scénario « qui aurait pour effet de faire perdre une ou des circonscriptions électorales au Québec ou de diminuer le poids politique du Québec à la Chambre des communes » devrait être rejeté.

La motion réclame aussi la modification de « la formule de répartition des sièges à la Chambre ».

On ne peut que se réjouir de l’adoption, par une large majorité de députés – seuls les conservateurs étaient véritablement divisés à ce sujet –, de ces deux demandes.

C’est que deux problèmes distincts se posaient.

Le premier, le plus simple, va désormais être résolu à très court terme.

Le deuxième est nettement plus complexe et une solution pourrait n’être trouvée qu’à plus long terme.

Expliquons-nous.

En vertu de la motion adoptée, d’ici l’entrée en vigueur des changements annoncés en 2024, le gouvernement fédéral aura trouvé un moyen de ne pas retirer de siège au Québec. Mais il s’agit, dans ce cas, d’une simple question de volonté politique.

Par contre, si le poids démographique du Québec continue de chuter, il y a une limite à vouloir protéger son poids politique à Ottawa à long terme.

On frappera un mur qui se nomme : Constitution canadienne. Elle prévoit que le nombre de députés de chaque province reflète la proportion de ses habitants au sein du Canada.

« Le principe applicable est la représentation proportionnelle. Ce principe n’a jamais été appliqué de façon parfaitement rigoureuse, des variations de quelques degrés ont été acceptées, mais on ne peut pas aller au-delà sans une modification constitutionnelle formelle », nous a expliqué Benoît Pelletier, professeur titulaire à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa.

Pour résoudre ce problème plus complexe, le Bloc a également proposé une solution. Dans un projet de loi déposé la semaine dernière, il évoque la modification de l’article 51 de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. On y spécifierait qu’on doit octroyer au Québec, au minimum, 25 % des sièges de la Chambre des communes.

Cette formule est calquée sur celle prévue par l’Accord de Charlottetown au début des années 1990.

Or, pour un expert en droit constitutionnel comme Benoît Pelletier, ce scénario ne tient pas la route. C’est que la mécanique sur laquelle il s’appuie ne peut pas être utilisée lorsqu’il s’agit de remettre en question le principe de la représentation proportionnelle.

Il est convaincu que la seule option, pour un tel changement, serait un amendement constitutionnel.

Il n’y a pas le feu, bien sûr.

Le Québec ne perdra pas de siège cette fois-ci, ce qui est une très bonne nouvelle, et ce n’est que dans dix ans que la question se posera de nouveau.

Mais plus les décennies passeront, plus le problème deviendra lourd de conséquences.

On le répète : tout ça est parfaitement normal en vertu de l’évolution démographique.

En revanche, cette perte de poids politique est tout sauf normale si l’on tient compte de la « spécificité » du Québec, comme l’avait fait remarquer l’an dernier la ministre Sonia LeBel.

Si le poids politique du Québec à Ottawa s’atténuait, ses intérêts seraient « graduellement marginalisés », avait-elle écrit au ministre canadien des Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc.

Et si on ne trouve pas une façon durable de régler ce problème, la voix du Québec à Ottawa, lentement, mais sûrement, s’affaiblira.

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