On croirait parfois que le président russe prend un malin plaisir à jouer le rôle du méchant qui, dans l’imaginaire collectif, est associé aux films de James Bond.

Une caricature de dirigeant narcissique, agressif et manipulateur qui vous menace, vous intimide et vous tient dans l’incertitude quant à savoir s’il va frapper, où il va frapper et quand il va frapper.

Cette caricature s’est accentuée au cours des derniers jours alors que Moscou souffle le chaud et le froid quant à savoir si l’Ukraine sera attaquée ou pas.

Il y a là quelque chose de profondément troublant et on verrait mal, dans les circonstances, comment on pourrait maintenant reprocher à Ottawa d’avoir accepté de livrer des armes létales à l’Ukraine. Il en va du sort d’une nation européenne.

Vrai, la Russie a annoncé mardi le retrait d’une partie de ses troupes qui se trouvaient à la frontière ukrainienne.

Mais est-ce un leurre ou une lueur d’espoir ?

Le problème, c’est qu’avec Poutine aux commandes, « rien n’est vrai et tout est possible » en Russie, comme le faisait remarquer il y a quelques années le journaliste Peter Pomerantsev, qui s’est penché sur les stratégies de désinformation du régime.

Les dirigeants occidentaux ont d’ailleurs bien pris soin de ne pas s’emballer à la suite de cette annonce.

On attend encore un « signe de désescalade », a fait valoir le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg.

Et ce signe ne viendra certainement pas, pour l’instant, de Biélorussie, où d’imposantes manœuvres russes se poursuivent (ainsi que le déploiement de systèmes de défense antiaériens S-400) avec la bénédiction du président Loukachenko, nouveau meilleur ami de Vladimir Poutine.

Ce signe n’a pas non plus été offert par la chambre basse du Parlement russe, qui a voté mardi pour la reconnaissance, par Moscou, de l’indépendance des territoires séparatistes prorusses dans l’est de l’Ukraine.

Ce vote a été dénoncé à juste titre par les alliés de l’Ukraine, incluant la ministre canadienne des Affaires étrangères, Mélanie Joly.

Bref, autant il fut sage pour Ottawa de ne pas se presser pour livrer des armes létales à l’Ukraine au cours des dernières semaines, autant le moment était venu de faire ce geste. Il ne peut plus être qualifié de provocation de la part du Canada.

Tous les signaux sont désormais au rouge.

Une attaque russe pourrait survenir à tout moment.

Et comme ça prend quelques jours avant que ces armes arrivent à destination, Ottawa devait agir sans plus attendre.

N’allons pas penser, cela dit, que cette contribution canadienne va changer la donne.

Elle est avant tout symbolique.

Premièrement, d’autres ont été plus généreux que nous, à commencer par les Américains.

Deuxièmement, malgré l’acquisition récente de nouvel équipement militaire par l’Ukraine, les experts semblent unanimes : le pays ne fait pas le poids face à Moscou. Sa capitale pourrait être encerclée et son président renversé en 48 heures, estime-t-on à Washington.

Découvrez les prédictions de Washington

Ces armes peuvent néanmoins être utiles.

Il s’agit de faire comprendre à Vladimir Poutine que s’il se lance dans cette aventure militaire, le prix à payer sera peut-être plus élevé que ce qu’il est prêt à débourser.

PHOTO SPUTNIK, VIA REUTERS

Vladimir Poutine, président de la Russie, souffle le chaud et le froid dans le dossier de l’Ukraine.

Et plus élevé, aussi, que ce à quoi son peuple s’attend en matière de pertes humaines et de possibilité d’enlisement du conflit.

Les troupes de Moscou, bien que plus puissantes, pourraient faire face en Ukraine à une insurrection armée soutenue avec zèle par les puissances occidentales.

De quoi rappeler aux Russes les souvenirs de leur cauchemar afghan…

Mais nous n’en sommes pas encore là.

Il est toujours possible d’éviter la guerre.

Le gouvernement canadien a beau livrer des armes à l’Ukraine, il demeure persuadé que la voie diplomatique doit encore être privilégiée.

C’est aussi l’avis de Joe Biden.

Lors d’une brève allocution à la Maison-Blanche mardi après-midi, le président américain a dit qu’il fallait encore « donner toutes ses chances à la diplomatie ».

Puisse le régime russe être sincère quant à son désir de trouver une solution négociée à cette crise et les dirigeants occidentaux faire preuve de suffisamment d’ouverture face aux demandes de Moscou.

En attendant, il est prudent pour le Canada et ses alliés d’agir suivant ce vieil adage : il est bon d’espérer que tout ira bien… en se préparant au pire.

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  • De 25 000 à 50 000
    C’est le nombre de morts à prévoir parmi les civils si la Russie attaque l’Ukraine, selon Washington. On évoque aussi la mort de 5000 à 25 000 soldats ukrainiens et de 3000 à 10 000 soldats russes.
    D’APRÈS L’AGENCE FRANCE-PRESSE