La décision du gouvernement Legault d’annuler la subvention de 100 millions prévue pour l’agrandissement du collège Dawson relève-t-elle de la planification financière ou de la partisanerie ? On est en droit de se poser la question.

Dawson a un déficit d’espace de 11 200 mètres carrés et souhaitait agrandir son campus pour que ses étudiants ne soient plus tassés comme des sardines. La semaine dernière, la ministre de l’Enseignement supérieur, Danielle McCann, a annoncé à la direction du cégep anglophone du centre-ville de Montréal que le gouvernement ne lui verserait pas la somme qu’elle lui avait pourtant promise pour financer ses travaux d’agrandissement.

Le premier ministre Legault, qui a pris la mauvaise habitude de revenir sur sa parole depuis quelques mois, a justifié sa décision en expliquant qu’il voulait prioriser les cégeps francophones.

C’est très bien de vouloir investir dans les cégeps francophones, ils en ont bien besoin. Mais pourquoi le faire au détriment du collège Dawson et de la communauté anglophone ? Pourquoi ne pas financer les deux ? Manque-t-il à ce point d’argent dans les coffres de l’État qu’il faille créer des étudiants de seconde zone ?

À huit mois des élections, on a vite compris que les pressions du Parti québécois et le peu d’intérêt des caquistes pour les électeurs anglophones et allophones avaient probablement pesé dans la balance.

François Legault aurait-il oublié que, lorsqu’on est élu, on devient le premier ministre de tous les Québécois, pas seulement de ceux qui ont voté pour notre parti et qui pensent comme nous ?

Si on fait exception des étudiants anglophones de souche (qui ont jusqu’à nouvel ordre les mêmes droits que les francophones au Québec), le collège Dawson est fréquenté par deux autres clientèles : les francophones qui souhaitent devenir bilingues et les allophones qui choisissent d’étudier en anglais, parmi lesquels on retrouve des étudiants étrangers qui ne parlent pas un mot de français et qui deviendront peut-être résidents permanents.

C’est auprès de ces deux groupes que M. Legault doit agir.

Le gouvernement a fait le choix de plafonner le nombre de places dans les cégeps anglophones jusqu’en 2029, mais il y a d’autres mesures à sa disposition pour conduire les étudiants vers les cégeps francophones. À commencer par offrir une formation en anglais digne de ce nom qui permettra aux étudiants qui le souhaitent de devenir parfaitement bilingues. La connaissance de l’anglais est un atout, pas une tare.

Si le gouvernement Legault souhaite que les allophones s’intègrent à la culture québécoise, il pourrait également imposer un tronc commun de cours de français obligatoires (littérature québécoise, français oral et écrit) à tous les étudiants du collégial anglophone.

Cela dit, soyons sérieux : ce n’est pas le fait de fréquenter un collège ou une université anglophone qui fera de vous un anglophone, c’est ce qui se passera ensuite. Parlerez-vous français au travail ? Votre vie sociale et culturelle se déroulera-t-elle en français ?

Encore là, le gouvernement Legault a un pouvoir d’agir. Fait-il tout ce qu’il peut pour imposer le français comme la langue de travail et des affaires au Québec ? Et pour que la culture francophone soit forte et attractive ? Il faudra davantage qu’un réseau d’espaces bleus, annoncé l’an dernier, pour faire la promotion de la culture québécoise francophone. Augmenter les subventions à la création d’expression française par exemple, et ce, dans tous les milieux artistiques. Le milieu des arts accomplit des miracles avec des bouts de chandelles. Il est confronté à des superproductions américaines dans tous les domaines. Si on veut inciter les jeunes à délaisser Lil Nas X et Dua Lipa au profit d’artistes québécois francophones, il faut investir pour faire émerger des talents comme Ariane Moffatt, Les Louanges ou Hubert Lenoir. Même chose en cinéma, en littérature et en télévision.

Le fait français et la fierté québécoise sont de beaux et nobles objectifs. Mais il est possible de les atteindre sans nier les besoins des anglophones du Québec et de leurs institutions.

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