Des experts et des études qui se contredisent. Des commentateurs qui déchirent leur chemise. Et, à travers ça, des inquiétudes légitimes.

Comme d’autres avant lui, le débat sur le port du masque N95 par les enseignants se déroule à haut niveau de décibels. Si bien que les nuances se perdent.

Dans ce cas, pourtant, une solution relativement simple se dessine : laisser les profs choisir eux-mêmes leur type de masque (chirurgical ou N95) en attendant que la science se précise.

Oui, cela impliquerait certains coûts et un peu de logistique. Mais ce n’est rien de démesuré ou d’impossible : en Ontario, on fait exactement cela.

Compte tenu des connaissances actuelles, il est difficile de voir quels risques on court avec une telle approche. Il est peu probable que, dans un an, on se tape le front en disant : « Mais quelle gaffe nous avons faite en offrant des N95 aux profs ! »

Les bénéfices, eux, seraient immédiats. D’abord, cette liberté de choix permettrait de rassurer certains enseignants inquiets qui, à tort ou à raison, s’estiment mal protégés pour cette rentrée scolaire, qui se déroule à haut risque.

Ensuite, elle éviterait un (autre) affrontement entre le gouvernement et les syndicats. Il ne s’agit pas de céder à tous les caprices des travailleurs, mais de choisir les combats dans un contexte où tout le monde est à cran.

C’est hypothétique, mais il est aussi possible que les connaissances viennent valider le choix du N95 chez les enseignants. Rappelons qu’en début de pandémie, Horacio Arruda avait réservé les masques N95 aux travailleurs de la santé effectuant des interventions précises générant des aérosols. Cette ordonnance a été contestée devant les tribunaux et l’usage des N95 s’est finalement répandu dans le réseau.

Il était en tout cas absurde d’entendre certains centres de services scolaires vouloir interdire aux enseignants d’utiliser les masques N95 qu’ils se procurent eux-mêmes. Au cabinet du ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, on nous a assurés qu’une directive sera envoyée pour qu’on respecte le choix de ces enseignants. Tant mieux. Ils ont parfaitement le droit d’essayer de se protéger avec un masque certifié.

Le fait d’envoyer les enseignants dans les classes munis de masques chirurgicaux plutôt que de masques N95 n’est toutefois pas l’hérésie que certains dénoncent.

La décision du gouvernement est basée sur un rapport de 82 pages de l’Institut national de santé publique du Québec qui dit en gros ceci : en laboratoire, le N95 se montre supérieur au masque chirurgical pour protéger celui qui le porte dans un contexte à risque. Sur le terrain, toutefois, le gain est moins clair – sans doute parce que le N95 est plus inconfortable, et donc moins bien porté.

La presque totalité des études a été réalisée dans les milieux de soins, où le risque de contamination est grand. La situation des écoles n’a pas fait l’objet d’une analyse particulière. Le N95 est-il utile dans ce contexte ? Pour chaque expert qui dit oui, vous en trouverez un qui dit non.

Pour compliquer les choses, on ne pourrait pas, en principe, simplement offrir des masques N95 à l’entrée des écoles. La CNESST oblige à implanter conjointement un « programme de protection respiratoire », impliquant notamment de la formation et des essais d’ajustement.

Mais ça ne veut pas dire qu’il faut considérer ces règles comme parole d’évangile en contexte de crise. L’Ontario offre des masques N95 sans ajustement à ses enseignants. Cela diminue certes leur efficacité. Mais outre le fameux « faux sentiment de sécurité » facile à contrer par un minimum d’éducation, il est peu probable que le N95 non ajusté soit moins bon que le masque chirurgical.

Québec plaide que les N95 seront difficiles à porter en classe et nuiront à l’enseignement. Peut-être. Mais les enseignants sont beaucoup mieux à même de trancher ces questions que des fonctionnaires dans un bureau. Il est d’ailleurs possible que les préférences personnelles varient.

Dans l’incertitude scientifique actuelle, laisser les enseignants faire les choix qui leur semblent les plus éclairés paraît l’option la plus sage. Et n’aurait-on pas là une formidable expérience terrain susceptible de fournir des réponses ?

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