On a perdu le contrôle du dépistage. Notre réseau hospitalier frôle le point de rupture. On a recommencé à se chicaner sur le couvre-feu et le moral des citoyens est à plat. On ne peut pas dire que les raisons d’espérer soient nombreuses en ce début d’année.

Il y en a pourtant une qui se dessine. Elle s’appelle le Paxlovid, un médicament antiviral de Pfizer qui réduit les hospitalisations dues à la COVID-19 chez les gens vulnérables. Ce traitement est beaucoup plus convaincant que celui du concurrent Merck, le molnupiravir.

Pourtant, on n’en parle presque pas. Et ce silence est inquiétant. Il fait planer le risque qu’on ne soit pas prêt à attraper l’une des rares bouées qui pourraient nous être lancées.

C’est déjà arrivé – vous vous souvenez des tests rapides qui ont dormi dans des entrepôts pendant des mois ?

Non, le Paxlovid ne réglera pas la crise d’un coup de baguette magique. Mais il s’attaque directement à notre grand problème – les hospitalisations. Bien déployé, il pourrait représenter une arme de plus contre le virus. Le hic, c’est que son utilisation soulève un grand nombre de questions et nécessite une préparation. Et en l’absence de discussions publiques, il est difficile d’évaluer ce niveau de préparation.

Les données de Pfizer montrent que le Paxlovid peut réduire de 89 % les hospitalisations chez les gens à risque. Le traitement consiste à avaler deux pilules toutes les 12 heures pendant cinq jours, aussitôt qu’un patient reçoit un diagnostic de COVID-19.

Les Américains et les Européens l’utilisent déjà. Cette semaine, Washington a même doublé ses commandes de Paxlovid. Chez nous ? Ottawa a acheté un million de traitements. Mais on attend toujours que nos autorités approuvent le médicament. Et on attend que les caisses de pilules arrivent en sol canadien.

À sa décharge, Santé Canada a reçu la demande d’approbation de Pfizer plus d’un mois et demi après les autorités américaines. Mais le résultat net est que les Canadiens attendent pendant que la maison brûle.

Une question cruciale est de déterminer à qui seront données les précieuses pilules (un traitement complet coûte 875 $). Il est évident que les personnes âgées, les obèses et les immunosupprimés se retrouveront en tête de liste. Mais on sait aussi qu’un important facteur de risque d’être hospitalisé est le fait… de ne pas être vacciné.

Voudra-t-on offrir un traitement beaucoup plus dispendieux qu’un vaccin aux non-vaccinés ? Ça paraît choquant. Mais si l’autre choix est de les voir occuper des lits d’hôpital, de retarder des opérations chirurgicales et de paralyser la société…

Autre défi : pour être efficace, le Paxlovid doit être administré rapidement après un diagnostic. Ça veut dire qu’il faudra trouver une façon de donner les ordonnances rapidement. C’est faisable, mais il s’agit d’un défi logistique – particulièrement avec les problèmes de dépistage actuels.

Il y a finalement la question de la fabrication. Pfizer affirme ne pouvoir manufacturer que 80 millions de traitements cette année. Des licences ont été accordées à certains pays en développement, mais ça ne concerne pas le Canada. On sait pourtant que les pilules sont relativement faciles à produire. Devrait-on inciter – ou forcer – Pfizer à accorder des licences à nos fabricants de médicaments génériques, par exemple ? Ça non plus, ça n’occupe pas nos conversations.

Évidemment, ce n’est pas parce que ces questions ne sont pas débattues dans l’espace public que les gouvernements ne font rien en coulisse. Québec, par exemple, a formé un comité sur l’utilisation des antiviraux qui compte notamment des membres de l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS).

Avec un virus aussi transmissible qu’Omicron, tenter de contrôler le nombre de cas de COVID-19 s’avère très difficile. S’attaquer aux hospitalisations comme le fait le Paxlovid est une stratégie de rechange qu’on se doit explorer. Il est possible qu’on soit prêt à le faire. Mais on aimerait en être convaincu. Si on échappe cette bouée, en tout cas, on ne pourra pas plaider avoir été pris par surprise.

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