Dans le peloton de tête des évènements de l’année 2022, on retrouve les élections au Québec. Si la tendance se maintient, la question qu’on va se poser par-dessus tout sera : quelle va être l’ampleur de la vague caquiste ?

Mais osons suggérer une autre question cruciale : les Québécois vont-ils aller voter en grand nombre ?

Loin de nous l’idée de jouer les prophètes de malheur, mais l’ampleur de la désaffection des citoyens pour les élections est un enjeu préoccupant.

Et l’année 2021, à ce chapitre, aura été tout sauf rassurante.

Selon des données préliminaires diffusées par Élections Canada, le taux de participation au scrutin fédéral de septembre dernier s’est chiffré à 62,5 %.

La situation a été encore plus démoralisante lors des élections municipales au Québec, quelques semaines plus tard. À l’échelle de la province, on a rapporté un taux de participation de 38,7 %. Une baisse notable par rapport à 2017, alors qu’il était de 44,8 %.

Même à Montréal, où il y avait pourtant une chaude lutte entre deux candidats clivants, le taux de participation n’a pas dépassé 38,3 %.

On aurait tort de croire que les électeurs n’étaient tout simplement pas au rendez-vous au fédéral parce que le scrutin était jugé inutile. Ou d’attribuer la désaffection de l’électorat en 2021 au Québec uniquement à la crise sanitaire ainsi qu’au déroulement de deux scrutins rapprochés.

Le diagnostic est plus complexe.

Et le mal, lui, est à la fois plus sérieux et plus profond.

D’ailleurs, peu après les scrutins municipaux, le directeur général des élections du Québec Pierre Reid a publiquement signalé sa déception quant à la chute du taux de participation.

« En tant que responsable de la tenue des scrutins, je vous dis sincèrement que ça me préoccupe », nous a-t-il confié récemment.

Si bien que Pierre Reid songe à un éventuel « grand chantier » qui permettrait de se pencher sur la question. « Je pense qu’il va falloir creuser davantage ; est-ce qu’il ne faudrait pas penser à un forum citoyen pour en comprendre les raisons ? », se demande-t-il.

PHOTO ERICK LABBÉ, ARCHIVES LE SOLEIL

Pierre Reid, directeur général des élections du Québec

En ce début d’année, permettez-nous de soutenir cette idée. Et d’ajouter que ça presse !

Notons que lors scrutin provincial de 2018, le taux de participation a été de 66,45 %. Il s’agissait d’une baisse de près de cinq points de pourcentage par rapport au scrutin tenu quatre ans plus tôt. C’était aussi le plus bas taux au Québec depuis 2008.

Bref, au Québec comme au Canada, les citoyens obtiennent désormais la note de passage, mais guère plus…

Notre premier réflexe pourrait être de mettre en cause la mécanique électorale. Il y a quelque chose d’un peu archaïque à devoir se rendre en personne, à une ou plusieurs dates données, dans un bureau de scrutin.

Il y a certainement place à l’amélioration. Mais n’allons pas croire que si on passait au vote par internet, on réglerait ce problème une bonne fois pour toutes.

La ministre des Affaires municipales a demandé au Directeur général des élections du Québec d’examiner la possibilité de l’implanter dès 2025. Tant mieux.

Précisons toutefois, avant que vous ne sabliez le champagne, que les expériences tentées ailleurs indiquent – notamment lors des élections municipales ontariennes – que les gains sont marginaux.

Il importe de cerner les causes de la baisse d’intérêt de nos citoyens pour les élections. Il importe aussi de trouver des solutions – elles devront être multiples et mobiliser plusieurs acteurs de notre société.

Trois chercheurs de l’Université Laval ayant examiné « les déterminants individuels de la participation électorale aux élections générales québécoises de 2018 » nous ont récemment offert un pertinent éclairage quant aux défis à surmonter.

Ils ont notamment énuméré les raisons évoquées par des électeurs n’ayant pas voté cette année-là.

Le top 5 ?

  • Ils avaient « perdu confiance envers les élus et la politique » (54 % des personnes interrogées ont dit que cela expliquait au moins partiellement leur choix).
  • Ils n’aimaient aucun candidat ou chef de parti (45 %).
  • Ils n’étaient pas suffisamment informés sur les candidats, partis et programmes (37 %).
  • Ils ne se sentaient pas concernés par les enjeux (35 %).
  • Ils se disaient occupés par des obligations familiales (30 %).

La même étude démontre aussi que l’âge et le niveau de scolarité sont des déterminants cruciaux de la participation électorale. Les Québécois les plus âgés et les plus scolarisés votent généralement davantage.

Il ne sera aisé ni de faire un diagnostic précis ni de trouver les remèdes.

On comprend déjà qu’il faudra à la fois lutter contre le cynisme, la désinformation et la désaffection des électeurs. Rien que ça !

Mais la complexité du défi ne doit surtout pas nous intimider.

Consultez l’étude sur la participation électorale aux élections générales québécoises de 2018 (Université Laval) Consultez l’avis du directeur général des élections du Québec Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion