Des citoyens qui avaient fièrement reçu le vaccin d’AstraZeneca ont l’impression d’avoir été floués. Le vaccin de Johnson & Johnson, qui pourrait bientôt arriver en renfort, est déjà perçu comme un produit de seconde classe.

Tout cela alors qu’on tente de convaincre les Canadiens de se faire vacciner rapidement et que plusieurs provinces essuient la troisième vague de COVID-19 de plein fouet.

C’est contre-productif.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

« Le vaccin d’AstraZeneca a sauvé des vies au Canada », rappelle notre éditorialiste.

Le Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI), un groupe de scientifiques qui conseille le gouvernement canadien, était animé des meilleures intentions lorsqu’il a suggéré qu’il valait parfois mieux attendre les vaccins de Pfizer et de Moderna que de prendre immédiatement ceux d’AstraZeneca ou de Johnson & Johnson.

Convenons qu’il n’est pas simple de communiquer de façon claire et transparente la balance entre des risques complexes.

Sauf qu’à voir la controverse et la confusion qui règnent depuis lundi, il est évident que l’objectif de bien informer les Canadiens a été raté.

Le message du CCNI selon lequel certains vaccins sont meilleurs que d’autres entre en pleine contradiction avec le mantra martelé sur toutes les tribunes voulant que « le meilleur vaccin contre la COVID-19 est le premier que l’on vous offre ».

Et avec trop de messagers qui véhiculent trop de messages, les Canadiens ne s’y retrouvent plus.

* * *

L’analyse que fait le Comité consultatif national de l’immunisation n’est évidemment pas farfelue. On sait que les vaccins d’AstraZeneca et de Johnson & Johnson entraînent des risques de thrombose très sérieux, mais extrêmement rares (un cas sur 100 000).

Les vaccins de Pfizer et de Moderna, basés sur la technologie de l’ARN messager, ne semblent pas provoquer ces problèmes. Ils sont en train d’arriver massivement au pays, et le CCNI a raison de dire que cela change la façon de gérer le risque.

Aujourd’hui, un individu devrait-il attendre quelques semaines un vaccin plus sécuritaire, ou prendre immédiatement celui qui comporte un infime risque de complication grave ?

Le calcul que fait le comité est complexe et dépend essentiellement de la probabilité de contracter la COVID-19 dans l’intervalle entre l’offre des deux vaccins et d’en développer des complications graves.

Pour quelqu’un qui vit là où le virus est peu présent, qui travaille de la maison et qui ne voit personne, le risque de souffrir d’une thrombose s’il prend le vaccin d’AstraZeneca peut s’avérer supérieur à celui auquel il s’expose en attendant celui de Pfizer.

C’est en gros ce qu’ont tenté de nous dire les scientifiques du CCNI. Il y a toutefois plusieurs hics dans leur message.

Le premier, fondamental, est que leur calcul tient compte des risques individuels et néglige les risques collectifs. La grande différence entre une thrombose et la COVID-19, c’est que cette dernière est contagieuse. Elle peut faire dérailler une société, d’où l’urgence de la combattre avec tous les moyens à notre disposition.

Le deuxième problème est que le calcul de risque dépend de la vigueur de l’épidémie dans chaque province. Le Comité sur l’immunisation du Québec, par exemple, a publié son propre avis sur le vaccin d’AstraZeneca et s’apprête à faire de même pour celui de Johnson & Johnson. L’avis du comité fédéral, si général qu’il ne s’applique vraiment à personne, n’apporte-t-il pas plus de confusion que d’éclairage ?

Il y a finalement la manière. À CTV, la présidente du CCNI, Caroline Quach, a laissé entendre qu’elle ne recommanderait pas le vaccin d’AstraZeneca à sa propre sœur. La Dre Quach a joué un rôle admirable dans l’espace public depuis le début de la pandémie. Mais ici, ses propos étaient maladroits, notamment pour les gens qui ont accepté ce vaccin de bonne foi.

Le vaccin d’AstraZeneca a sauvé des vies au Canada. Et celui de Johnson & Johnson, qui pourrait être offert bientôt, s’avérera peut-être une arme de choix, notamment parce qu’il ne nécessite qu’une dose.

Ces vaccins, plusieurs citoyens du globe en rêvent. Alors que le feu brûle encore à plusieurs endroits au Canada, peut-on vraiment les considérer comme des outils de second ordre ?

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