Dans un monde idéal, on pourrait remonter le temps et empêcher la mort de la fillette de Granby.

Dans la réalité, pour rendre justice à cet enfant de 7 ans, il n’y avait que deux solutions. La première, c’est le verdict qui a été rendu. Il a offert, c’est vrai, « un peu de dignité » à l’enfant.

La deuxième, c’est la possibilité de tirer des leçons de ce drame.

Le destin tragique de la fillette, morte en 2019, avait jeté une lumière crue sur les problèmes des services de protection de la jeunesse et, plus largement, de tout le filet de sécurité tissé autour des enfants vulnérables au Québec.

À ce sujet, il y a, au moment où on se parle, une bonne et une mauvaise nouvelle.

On va commencer par la bonne.

Parce qu’on a tous besoin, dans le contexte, de savoir que tout n’est pas toujours décourageant.

Il y a eu une véritable volonté politique de faire changer les choses et le chemin parcouru depuis le drame est considérable.

Allons-y, sommairement, en ordre chronologique.

Après une vague d’indignation, on a mis sur pied la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, dirigée par Régine Laurent. Elle a fait un travail remarquable.

D’abord en offrant une première série de recommandations urgentes à mi-mandat, en décembre 2019. Puis, en mai dernier, en publiant un rapport étoffé qui contient la marche à suivre pour « instaurer une société bienveillante pour nos enfants et nos jeunes ».

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Ce rapport n’a pas été tabletté. Au contraire.

On a créé un poste de directrice nationale de la protection de la jeunesse.

On a injecté de l’argent frais (200 millions en trois ans) en respectant l’esprit de plusieurs des recommandations de la Commission.

Et on vient de poser, au début du mois de décembre, deux autres gestes majeurs :

  • On a déposé le projet de loi 15 « modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d’autres dispositions législatives ».
  • On a présenté un plan pour les étapes de mise en œuvre des recommandations de la commission Laurent.

On retrouve au cœur du projet de loi 15 des changements qui auront un impact important sur les enfants vulnérables et ceux qui en prennent soin. Et qui, pour certains, étaient réclamés depuis longtemps.

C’est le cas du renforcement de la primauté de l’intérêt des enfants, qui devient le principal facteur dans la prise de toute décision qui les concerne (maintenir l’enfant dans son milieu familial à tout prix : c’est fini).

C’est le cas aussi du partage de renseignements confidentiels, qui sera dorénavant permis entre les divers partenaires impliqués dans le dossier d’un enfant.

Quelques mots ici sont nécessaires pour parler du bilan du ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant.

Il avait parfois l’air d’un chevreuil ébloui par les phares d’une automobile à son arrivée en politique. Mais après trois ans en poste, il a déjà fait beaucoup plus pour les enfants vulnérables que bon nombre de ses prédécesseurs.

La mauvaise nouvelle, maintenant ?

Sur le terrain, du côté des services de protection de la jeunesse, la situation demeure épouvantable.

Vous avez peut-être vu les chiffres les plus récents : on compte environ 3900 personnes en attente d’évaluation au Québec. Or, il y a deux ans, lors de la mort de la fillette de Granby, il y en avait 3300.

Les délais d’accès aux services sont encore problématiques. Et le nombre de signalements – on atteint 120 000 au Québec l’an dernier, un (triste) record – y est pour quelque chose.

Tout comme la pénurie d’employés. Il y a encore 590 postes d’intervenants à pourvoir sur quelque 12 000 en province. Une situation intenable.

Et c’est un cercle vicieux terriblement difficile à briser. Car moins il y a d’intervenants, plus leur travail est pénible. Et plus leur travail est pénible, plus ils ont de chances de quitter le réseau rapidement.

On va se permettre ici de redire à quel point ces acteurs essentiels du réseau méritent toute notre reconnaissance. Leur dévouement est prodigieux.

Mais ils ont besoin d’aide. Il faut des renforts.

N’oublions pas non plus que tous les services à l’enfance doivent se mobiliser.

« Il faut tout un village pour élever un enfant. » Ce proverbe a été abondamment utilisé, pourtant, il n’a pas pris une ride. Il prend ici tout son sens.

Une suggestion en terminant : le ministre Lionel Carmant aurait tout avantage à nommer un « porteur responsable qui veille à la mise en œuvre et détermine des étapes de réalisation » des recommandations de la commission Laurent, comme on le suggère à la toute fin de son rapport.

Un porteur de ballon qui pourrait prendre la forme, par exemple, d’un comité de suivi des recommandations.

Le chemin a rarement été aussi bien balisé, il serait absurde de le quitter des yeux.

Pour rendre justice à la fillette de Granby, mais aussi pour veiller à la protection de tous les jeunes vulnérables, gardons le cap.

LISEZ le rapport de la commission Laurent LISEZ le projet de loi réformant la Loi sur la protection de la jeunesse Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion