« L’Amérique d’abord. » Ce slogan remis au goût du jour par Donald Trump il y a une demi-douzaine d’années demeure brûlant d’actualité même si Joe Biden occupe maintenant la Maison-Blanche.

Le nationalisme économique a toujours la cote chez nos voisins du Sud.

Et c’est le plus important des obstacles auxquels Justin Trudeau et ses ministres font face actuellement à Washington.

Non, la relation canado-américaine n’a pas changé du tout au tout.

Et non, cette visite dans la capitale américaine (où se déroulera jeudi un sommet des Trois Amigos) ne sera pas l’équivalent d’un pique-nique.

C’est vrai, plus personne ne menace de pulvériser l’accord de libre-échange entre les trois pays comme le faisait Donald Trump.

C’est vrai, le Canada dispose d’interlocuteurs prévisibles à la Maison-Blanche, à commencer par le président Biden.

C’est un immense soulagement !

Mais les points de friction sur le plan commercial entre nos deux pays ne sont pas tous disparus pour autant.

La preuve la plus récente de ce constat, c’est que le Congrès américain se penche actuellement sur une nouvelle idée protectionniste : un crédit d’impôt qui pourrait être offert sur les véhicules électriques construits aux États-Unis.

L’initiative menace l’industrie automobile tant au Canada qu’au Mexique.

Il y avait d’ailleurs mercredi, au menu du premier jour du voyage du premier ministre Trudeau, une série de rencontres avec des ténors démocrates et républicains au sein des deux chambres du Congrès américain.

Riche idée.

PHOTO JACQUELYN MARTIN, ASSOCIATED PRESS

Au premier jour de son voyage diplomatique à Washington, le premier ministre Justin Trudeau a rencontré bon nombre d’élus américains, dont Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants.

C’est de la plus haute importance.

Justin Trudeau en aura certainement profité pour leur livrer un message très simple : attiser la rivalité entre le Canada, les États-Unis et le Mexique serait une très, très mauvaise idée ; on devrait plutôt tirer profit de notre alliance pour faire face à la concurrence venue de l’extérieur du continent nord-américain.

On parle ici en tout premier lieu de la Chine, bien sûr, le grand rival de Washington.

Le raisonnement tombe sous le sens.

On travaille mieux entre alliés si on se serre les coudes que si on lutte les uns contre les autres.

C’est d’ailleurs ce que Justin Trudeau a fait valoir publiquement, de façon bien sentie, lors d’une série d’échanges au Woodrow Wilson Center mercredi midi.

PHOTO ADRIAN WYLD, LA PRESSE CANADIENNE

Le premier ministre du Canada a participé à une séance de questions-réponses organisée par le Wilson Center, à Washington, mercredi.

Rappelons-nous : ça ressemble au message qui était véhiculé par Ottawa aux quatre coins des États-Unis alors que Donald Trump était au pouvoir.

La mobilisation, si efficace à l’époque, devrait d’ailleurs se poursuivre. Tant du côté d’Ottawa que de celui des autres acteurs impliqués dans la relation canado-américaine : provinces, villes, milieu des affaires, etc.

« Être votre voisin, c’est comme dormir avec un éléphant : quelque douce et placide que soit la bête, on subit chacun de ses mouvements et de ses grognements », avait lancé Trudeau père aux Américains à la fin des années 60.

Ça n’a pas changé.

La relation est plus facile à gérer quand la bête américaine grogne moins, on s’entend là-dessus.

Mais ce n’est pas non plus de tout repos.

D’ailleurs, rien de mieux qu’une première véritable rencontre bilatérale en « présentiel » entre Justin Trudeau et Joe Biden pour jeter les bases de ce qui pourrait devenir une étroite collaboration au cours des prochaines années.

Un tel souhait n’est pas farfelu.

Justin Trudeau et Joe Biden ont plus d’atomes crochus que, disons, Stephen Harper et Barack Obama. Ou encore Jean Chrétien et George W. Bush.

Et on ne parle pas de Donald Trump, qui faisait des yeux doux uniquement aux tyrans.

Cela dit, il faudra bien que le Canada s’aligne sur certaines positions américaines, notamment en matière de relations internationales.

Particulièrement sur les dossiers chinois. Que ce soit le refus de laisser Huawei toucher aux infrastructures 5G ou le boycottage, par les politiciens de nos deux pays, des Jeux olympiques de Pékin.

Ces enjeux sont controversés et délicats. N’empêche qu’il est plus que temps, pour Ottawa, d’annoncer ses couleurs.

Il serait naïf de penser que les élus à Washington nous donneront tout ce qu’on veut sans rien attendre en retour.

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