À quelques jours du scrutin, l’équipe éditoriale de La Presse entame une série de rencontres avec les candidats à la mairie de Montréal. Après Balarama Holness aujourd’hui, Denis Coderre et Valérie Plante se prêteront à l’exercice demain et après-demain.

Entre Denis Coderre et Valérie Plante, il y avait de la place pour une troisième voie dans la campagne électorale municipale à Montréal.

Les sondages le montrent bien : à quelques jours des élections, à peine plus d’un électeur sur deux dit faire confiance soit à Valérie Plante, soit à Denis Coderre (sans répartition des indécis). En fait, si l’option « Je ne sais pas » était représentée par une vraie personne, c’est elle qui remporterait (de justesse) la mairie de la plus grande ville du Québec.

Balarama Holness ? Il aurait pu incarner cette troisième voie. Mais soyons honnêtes : la plateforme de son parti contient un élément si clairement porteur de division qu’il s’est imposé comme un boulet pour Mouvement Montréal.

Ce boulet, c’est évidemment cet absurde référendum sur le statut de ville bilingue que s’entête à promettre M. Holness s’il est élu. Et les électeurs, manifestement, le rejettent.

Ce n’est pas le seul problème. En entrevue éditoriale avec La Presse, l’ancien joueur des Alouettes a donné l’impression que plusieurs de ses actions et mesures étaient improvisées. C’est dommage. Parce que l’homme arrive aussi avec un parcours intéressant et des sensibilités nouvelles. En fait, on se dit que M. Holness aurait pu s’imposer comme le véritable candidat du « vivre ensemble », une expression si chère à Denis Coderre.

Fils d’une mère québécoise francophone et d’un père jamaïcain anglophone, Balarama Holness est né à Montréal. Mais alors qu’il était âgé de 1 an, sa famille a déménagé aux États-Unis. Elle est revenue dans la métropole québécoise neuf ans plus tard.

« J’ai vécu comme un immigrant à Montréal dans une classe d’accueil », dit celui qui se considère comme un « enfant de la loi 101 ».

Ce vécu teinte son approche. Le candidat à la mairie parle beaucoup des disparités socio-économiques entre les différents quartiers de Montréal. Il a raison de s’en préoccuper. Des chiffres récents ont montré qu’entre les quartiers très favorisés et très défavorisés de Montréal, le taux de mortalité lié à la COVID-19 varie du simple au double. Une autre preuve que les inégalités tuent.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Balarama Holness, chef de Mouvement Montréal

Balarama Holness dénonce le manque d’espaces verts et de centres sportifs dans des quartiers comme Saint-Michel, Rivière-des-Prairies ou Saint-Léonard. Il insiste sur l’importance de l’aménagement du territoire pour mieux intégrer les nouveaux arrivants. Il plaide pour une meilleure représentativité des minorités dans la culture québécoise.

Tout cela est sensé.

Ce qui l’est beaucoup moins, c’est ce fameux référendum qu’évoque M. Holness sur le statut bilingue de Montréal – une proposition sortie de nulle part. Le candidat à la mairie admet lui-même qu’il ne s’agit pas d’une revendication des communautés anglophones et allophones, mais plutôt d’une réaction personnelle au projet de loi 96 sur le renforcement de la loi 101 du gouvernement Legault.

Certains éléments de ce projet de loi ont certes été mal reçus par une partie des anglophones de Montréal. Mais Balarama Holness ne semble pas réaliser qu’il veut jouer au pompier avec un lance-flammes.

Au moment où les gouvernements provincial et fédéral ont fait de la protection du français une priorité, on imagine le mélodrame et les déchirements qu’entraînerait la tenue d’un référendum sur la langue dans la plus grande ville du Québec.

La position de M. Holness est d’autant plus incompréhensible qu’il affirme que la langue française doit rester « supérieure » et qu’il n’est pas question « d’égalité » avec l’anglais. Que signifie alors ce bilinguisme, et pourquoi faire de la métropole une « cité-État » complètement en porte-à-faux avec le reste du Québec ?

Il faut saluer l’engagement de ceux qui se lancent en politique. C’est d’autant plus vrai dans le cas de Balarama Holness, qui a essuyé d’odieuses menaces de mort pendant cette campagne. Mais malheureusement, force est de constater que son message divise. La preuve est qu’il est incapable d’unifier ses propres troupes après la fusion ratée avec le parti de Marc-Antoine Desjardins.

Montréal cherche toujours sa troisième voie.

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