Au Québec, lorsqu’on calcule les émissions de gaz à effet de serre, on se réfère à 1990, l’année de référence du protocole de Kyoto. Mais quand on parle de la mobilisation citoyenne pour l’environnement, la référence, c’est 2019.

Pourquoi 2019 ? Parce que c’est l’année de la visite de la jeune militante suédoise Greta Thunberg à Montréal, à l’occasion d’une marche pour le climat qui a réuni des centaines de milliers de personnes dans les rues de la métropole.

Les observateurs s’entendent pour dire que cette année-là, la mobilisation des Québécois était à son plus fort depuis des années. La bonne nouvelle, c’est que cette mobilisation ne semble pas avoir faibli. L’effet Greta se fait encore sentir.

La pandémie aurait pu saper la motivation de la population qui combattait une autre crise, éprouvante sur le plan psychologique. C’est ce que craignaient les groupes environnementaux. D’autant plus qu’on a pris quelques mauvais plis durant le confinement : magasinage en ligne, multiplication des masques jetables, etc.

Mais les études et les sondages montrent que l’environnement se classe toujours en haut de la liste des priorités des Québécois. Dans les circonstances, c’est une excellente nouvelle.

Car les dernières données du Programme des Nations unies pour l’environnement, publiées mardi, nous rappellent qu’il n’y a plus de temps à perdre. À l’heure actuelle, les engagements des États sont nettement insuffisants.

Les prochaines années, voire les prochains mois, seront donc cruciales pour renverser la vapeur. De grands changements dans nos modes de vie sont à prévoir si on veut réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Dans ce contexte, la mobilisation et l’adhésion de la population à des mesures plus contraignantes sont primordiales.

Les influenceurs verts

Il y a plusieurs facteurs qui contribuent à susciter l’adhésion d’une population. L’étude de l’opinion publique n’est pas une science exacte, mais elle l’est suffisamment pour identifier ce qui fonctionne ou pas.

On sait par exemple que l’information, l’éducation et les campagnes de sensibilisation ont un certain effet. En 2006, le film Une vérité qui dérange de l’ancien vice-président des États-Unis Al Gore a provoqué une véritable prise de conscience des Canadiens face aux enjeux climatiques, un effet qui s’est traduit dans les sondages. Nos gouvernements pourraient en faire davantage sur ce plan. On voit des publicités contre les textos et l’alcool au volant, contre le tabac, la violence conjugale… pourquoi pas contre le réchauffement climatique ?

On sait aussi que la culpabilisation n’est pas la meilleure approche pour mobiliser les gens à modifier leurs comportements. On apprend cela dans les cours de psychologie 101 : culpabilisez les gens, et vous risquez d’obtenir l’effet contraire de celui recherché.

Ce n’est donc pas en critiquant le voisin pour son voyage dans le Sud ou son triple hamburger qu’on le convaincra. Par contre, montrez l’exemple et vous risquez de faire des émules.

Les experts appellent cela la norme sociale. Vos voisins recyclent ? Il y a de grandes chances que vous recycliez aussi. Une amie vous montre sa dernière trouvaille dans une boutique de seconde main ? Elle pourrait vous inspirer à faire de même. Et si la majorité de vos voisins achètent une auto électrique, cela risque de vous influencer à en acheter une, vous aussi. Ces influences ont un effet positif sur les comportements individuels qui s’additionneront pour faire une vraie différence à la fin.

Cela dit, le facteur qui risque le plus d’ébranler une population et de la mobiliser, c’est les impacts des changements climatiques dans son quotidien. La saison de ski écourtée, la glace de la patinoire qui ne gèle pas, le sous-sol de la maison au bord du lac inondé trois printemps de suite, les photos de ciel rouge sur Instagram-ciel rouge causé par les incendies de forêt en Colombie-Britannique, les canicules, la sécheresse et son impact sur le prix des fruits….

Nul besoin de lire les rapports du GIEC pour comprendre que l’heure est grave. Ça se passe sous notre nez.

Avec l’été que nous venons de vivre, il n’est pas étonnant de constater que l’environnement préoccupe les Québécois au plus haut point. Ils ont compris que c’était une priorité.

Le Québec est prêt pour des mesures plus ambitieuses que celles proposées par le gouvernement Legault, qui s’obstine à traiter l’environnement comme un dossier parmi tant d’autres. Combien de fois faudra-t-il le répéter ? Nous sommes confrontés à une crise d’une ampleur historique.

Au cours des 20 derniers mois, justement, ce gouvernement nous a démontré qu’il pouvait être efficace en gestion de crise. Il a réussi à mobiliser les Québécois et à les convaincre d’adopter de nouveaux comportements pour combattre la pandémie. Comment ?

En informant, en expliquant le risque et ses conséquences, en faisant preuve d’une certaine transparence, en communiquant les progrès sur une base régulière. Face à la COVID-19, le gouvernement Legault a suscité une adhésion formidable des Québécois qui ont accepté des mesures difficiles pour « aplatir la courbe ». Maintenant, il faut aplatir l’autre courbe : celle des émissions de gaz à effet de serre.

La balle est dans votre camp, M. Legault.

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