Le jour du budget est un véritable rituel à Québec. Le gouvernement expose la situation financière de l’État, mais aussi ses objectifs pour l’avenir et la façon de les atteindre.

Toute la province est suspendue aux lèvres du ministre des Finances, l’évènement bénéficie d’une excellente couverture médiatique et il provoque des discussions animées à la grandeur de la province.

Le député péquiste Sylvain Gaudreault rêve à l’organisation d’un tel évènement sur la question des changements climatiques.

Il rêve, plus spécifiquement, d’un budget carbone pour le Québec.

Il n’est pas le seul.

Le mois dernier, le député a déposé une motion à l’Assemblée nationale visant à demander au Comité consultatif sur les changements climatiques de se pencher sur la faisabilité d’un tel budget.

La motion a été rejetée, mais peu de temps après, c’est le comité lui-même qui a recommandé l’instauration d’un budget carbone au Québec.

Lisez la lettre du comité au ministre Benoit Charette

Alors que François Legault s’apprête à participer à la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (la COP26) en Écosse, le moment serait bien choisi pour annoncer une telle initiative.

Avec un budget carbone, Québec devrait calculer la quantité totale de GES qui peuvent être émis d’un bout à l’autre de la province annuellement dans le but d’atteindre nos objectifs de réduction.

On ne pourrait plus simplement se contenter de fixer, comme c’est le cas actuellement, un objectif pour 2030 (ramener les émissions à 37,5 % sous leur niveau de 1990) ou un autre pour 2050 (la carboneutralité), par exemple.

C’est que tenter de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C – qui demeure l’objectif ultime –, c’est un peu comme faire un voyage : la destination est importante, mais le chemin parcouru l’est tout autant. Sinon plus !

Expliquons-nous. Le Québec ne peut pas attendre à, disons, 2048 pour faire de véritables efforts. Car la quantité de GES émis en une année donnée – 2021, par exemple – va s’additionner à celle des années subséquentes et ainsi contribuer encore davantage au réchauffement de la planète.

D’où l’idée de se fixer des objectifs annuels et de vérifier s’ils sont atteints.

Un budget carbone serait par conséquent une excellente façon de responsabiliser nos politiciens.

Actuellement, il est facile pour eux de faire des promesses et de fixer des cibles à atteindre à une date à laquelle… ils ne seront probablement plus au pouvoir.

On touche ici à l’aspect de la gouvernance en matière de changements climatiques.

Il est étroitement lié à celui des gestes concrets faits par l’État, mais souvent laissé pour compte, a souligné Sylvain Gaudreault en entrevue. « C’est beaucoup moins sexy, mais c’est fondamental. »

On a d’ailleurs du retard sur Ottawa en matière de gouvernance puisque le gouvernement Trudeau a pu faire adopter, à la toute fin de la dernière session, une loi sur la responsabilité en matière de carboneutralité.

Désormais, le gouvernement fédéral, peu importe par qui il sera formé, se voit forcé d’établir des cibles nationales de réduction des GES, mais aussi de dévoiler les mesures qu’il entend prendre pour les atteindre.

Le commissaire à l’environnement et au développement durable a été mandaté pour examiner la mise en œuvre des mesures, au moins une fois tous les cinq ans.

Consultez la Loi sur la responsabilité en matière de carboneutralité

Bien entendu, dans un monde idéal, chaque fois que le gouvernement provincial déposerait un budget carbone, il rendrait public, au même moment, l’inventaire des émissions de gaz à effet de serre de l’année précédente.

Mais ça non plus, ce n’est pas possible actuellement. On doit attendre plus de deux ans avant de connaître avec précision la teneur de nos émissions de GES.

Notre éditorialiste Philippe Mercure l’avait déploré il y a deux ans et réclamé du changement… en vain ! On aurait tout avantage à donner un coup d’accélérateur au plus vite.

Lisez l’éditorial de Philippe Mercure

Un exercice annuel public d’envergure à Québec avec une véritable résonance médiatique autour de nos objectifs de réduction des GES serait un gain net. Alors qu’on a plus que jamais besoin de mobiliser tous les Québécois dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques, on aurait tort de s’en priver.

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