Il y avait quelque chose de surréaliste, il y a quelques mois, à entendre le ministre de la Famille, Mathieu Lacombe, avouer son impuissance à mobiliser… son propre ministère.

Il décrivait le mécanisme de création de places en garderie comme « brisé ». Il dénonçait la « bureaucratie » de ses propres fonctionnaires. À son arrivée en poste, M. Lacombe avait promis de créer 15 000 places subventionnées « d’ici deux ans top chrono ». À l’échéance, il n’avait même pas livré le septième de cela.

L’homme donnait l’impression d’être au volant d’une voiture qui refuse d’avancer. Il faut dire que la CAQ n’avait jamais semblé faire des garderies une priorité. Ce sont les maternelles 4 ans que François Legault voyait dans sa soupe.

À un an de l’échéance électorale, voilà qu’on assiste à un réveil du gouvernement envers les garderies. Un réveil tardif, mais convaincant. On peut même avancer que le plan Lacombe, s’il réalise ses promesses, serait le plus gros coup d’accélérateur pour le réseau depuis sa création par Pauline Marois, il y a 25 ans.

Voyons voir.

D’abord, l’ambition est là. Ce sont désormais 37 000 places subventionnées qu’on promet d’ici quatre ans. Assez pour accueillir (finalement !) chaque enfant qui en a besoin. Cela mettrait fin à la frustrante injustice des parents qui paient leurs impôts comme les autres, mais qui doivent quand même débourser jusqu’à 70 $ par jour pour déposer la puce ou le fiston à la garderie. Le tout dans un réseau dont la qualité a été maintes fois décrite comme inférieure à celle des CPE.

La CAQ veut même aller jusqu’à inscrire dans la loi son obligation de fournir des places dès l’instant où un déficit apparaît sur un territoire. Ce n’est pas rien.

Évidemment, on a déjà vu des ambitions se buter au test de la réalité – parlez-en à Mathieu Lacombe. Sauf que cette fois, le ministre change de voiture.

Le projet de loi déposé jeudi promet de s’attaquer à la « maison des fous » (c’est l’expression utilisée par François Legault) qui gouverne le développement des nouvelles places.

Parmi les changements illustrant le mieux cette volonté d’avancer, le gouvernement se donne la permission de construire lui-même des garderies s’il ne reçoit pas de soumissions. On veut aussi mettre la hache dans la paperasse et les délais.

Le gouvernement rapatriera également sous son aile le mal-aimé guichet unique La Place 0-5, actuellement géré par une coopérative. C’est bienvenu. Il promet aussi de revoir les critères d’admission des garderies. La vérificatrice générale avait vivement dénoncé les dérives à ce sujet et il y a tout un ménage à faire.

On veut aussi prioriser l’accès aux enfants défavorisés. Autre bonne idée : en attendant l’arrivée des places, on offrira un crédit d’impôt aux parents qui doivent encore se tourner vers les dispendieuses garderies privées non subventionnées.

On coche donc plusieurs bonnes cases, mais il faudra rester vigilant. L’appel d’offres en cours concerne tant les CPE que les garderies privées subventionnées. Habituellement, le gouvernement vise informellement à accorder 85 % des places aux CPE, qui restent le joyau de notre système. Mais cette cible n’est inscrite nulle part et le gouvernement reste dépendant des soumissions des promoteurs.

Or, dans la ruée qui vient d’être déclenchée, les entreprises privées peuvent obtenir des prêts et bouger plus vite que les organismes à but non lucratif que sont les CPE. Il faudra s’assurer que les CPE ne se fassent pas doubler.

Au-delà de la brique, le gouvernement a aussi un gigantesque défi pour pourvoir, en pleine pénurie de main-d’œuvre, 17 800 postes d’éducatrice d’ici quatre ans. Diverses initiatives sont sur la table, mais disons que les syndicats qui négocient actuellement avec le gouvernement ont le gros bout du bâton pour réclamer des conditions de travail attractives.

Les CPE sont l’un des piliers de notre fameux « modèle québécois » et la CAQ vient de leur envoyer une belle déclaration d’amour. Il reste à transformer les paroles en réalisations.

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