C’était il y a un an presque jour pour jour : après l’attaque au sabre le soir de l’Halloween dans le Vieux-Québec. Le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, annonçait l’injection de 100 millions de dollars pour la santé mentale.

L’idée était de faciliter l’accès aux services dans ce secteur, qui prenait déjà trop souvent l’allure d’une course à obstacles avant même la pandémie. Et qui, on le sait, est devenu encore plus difficile depuis.

Et alors ?

Hum…

Le Devoir révélait récemment qu’il y a encore quelque 19 000 personnes en attente de services en psychothérapie au Québec à l’heure actuelle.

Or, en décembre dernier, le nombre de personnes sur cette liste était d’environ… 19 000 !

Tout ça pour ça ?

On devine que l’augmentation de la demande liée à la pandémie s’est poursuivie, ce qui a compliqué la tâche du gouvernement.

Mardi, l’Institut de la statistique du Québec diffusait de nouveaux chiffres qui démontrent encore un peu plus l’impact de la COVID-19 sur la santé mentale des Québécois.

« Parmi les personnes qui se situent au niveau élevé de l’échelle de détresse psychologique, 30 % attribuent complètement ces sentiments à la pandémie », signale-t-on.

Se retrouver avec une telle liste d’attente alors qu’autant de Québécois ont un besoin urgent d’aide est tout de même proprement scandaleux.

D’autant plus qu’on insiste – avec raison – sur l’importance d’aller chercher de l’aide lorsqu’on en a besoin. Encore faut-il qu’elle soit facilement accessible !

Attention, on n’est pas en train de dire que les 100 millions de dollars de Lionel Carmant ont été inutiles.

De cette somme, 25 millions étaient spécifiquement affectés à la réduction de la liste d’attente. Cet argent devait servir à obtenir l’aide de psychologues du privé, qui sont venus prêter main-forte au secteur public.

Résultat : quelque 1452 patients ont pu jusqu’ici en bénéficier. Ceux-ci demeurent cependant sur la liste d’attente parce que leurs traitements ne sont pas terminés, nous explique-t-on à Québec.

Par ailleurs, les 25 millions ne sont pas encore épuisés, nous dit-on. D’autres patients pourront vraisemblablement bénéficier de l’aide du privé.

On ne crachera pas dans la soupe, ces renforts sont les bienvenus. Mais le recours au privé, comme Québec l’a appris à ses dépens, notamment avec les infirmières, est tout sauf une solution permanente.

On peut d’ailleurs déjà dire que cette aide aura été insuffisante.

Ce n’est pas étonnant.

Attribuer 100 millions pour la santé mentale, c’est un peu comme donner des béquilles à quelqu’un qui a du mal à marcher parce qu’il a besoin d’une nouvelle hanche. Cette personne aura tout de même besoin d’une opération le plus rapidement possible.

Dans le domaine de la santé mentale, l’opération ne commencera pas avant la fin de l’automne, lorsque Lionel Carmant présentera son plan d’action.

Il est donc trop tôt pour juger du travail du Ministère dans ce dossier fondamental.

Trop tôt, donc, pour évaluer s’il a compris comment instaurer des changements majeurs qui contribueront à régler les problèmes structurels de façon durable.

Reconnaîtra-t-il, par exemple, le caractère essentiel de l’apport des psychologues dans le réseau ?

Le cas échéant, trouvera-t-il des moyens de freiner leur exode vers le privé ?

Le réseau public en a déjà perdu 500, selon les chiffres de l’Association des psychologues du Québec, et la situation continue de se détériorer année après année.

Une réforme en profondeur est donc nécessaire. Et il faudra notamment revoir les salaires et les conditions de pratique des psychologues, qui ne permettent ni la rétention des employés actuels ni l’attraction de nouvelles recrues, pourtant essentielles au bon fonctionnement du réseau.

Ce qu’on sait, à tout le moins, c’est que le ministre est lucide et comprend à quel point la santé mentale est le parent pauvre du système.

« Il faut se rendre compte que [cet enjeu] a trop longtemps été négligé. La santé mentale, c’est le tiers des consultations dans le réseau et, pourtant, la santé physique a sept fois plus de budget que la santé mentale », avait-il dit à la fin de l’année dernière, ainsi que le rapportait notre journaliste Fanny Lévesque.

Reste à voir maintenant s’il sera capable de trouver les ressources nécessaires pour répondre au signal de détresse envoyé par un réseau qui, tragiquement, peine à aider des milliers de Québécois, eux aussi en détresse.

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