Le Canada et les autres pays membres du G20 ont participé mardi à un important sommet sur l’Afghanistan. On a promis de prêter main-forte à ce pays où les talibans règnent désormais sans partage, au mépris de plusieurs valeurs et principes qui nous sont chers.

Les pays de l’Union européenne en ont profité pour annoncer une aide humanitaire substantielle. On parle de 1 milliard d’euros, soit tout près de 1,5 milliard de dollars canadiens.

Pourquoi ?

La chancelière allemande Angela Merkel a bien résumé la situation.

La communauté internationale ne pouvait pas rester « à regarder sans réagir pendant que 40 millions de personnes [en Afghanistan] plongent dans le chaos faute d’électricité et d’un système financier » qui fonctionne, a-t-elle dit (encore faut-il espérer que l’aide ne sera pas entièrement détournée par les talibans).

Bien sûr, aller jusqu’à reconnaître le nouveau gouvernement, alors que l’on constate que ses membres ne respectent pas leurs promesses (notamment à l’égard des droits des femmes), serait un non-sens.

Pourtant, il faut tout de même mener des pourparlers avec les talibans, même si cette idée peut sembler répugnante.

C’est qu’il n’existe aucune solution de rechange.

On l’a constaté ailleurs dans le monde au fil des dernières décennies : tourner le dos et rompre les communications avec les régimes que nous avons en horreur est généralement contre-productif.

Les Américains aussi discutent avec les talibans. Ils ont entamé des pourparlers samedi dernier. C’était une première depuis le départ précipité de leurs troupes. Et c’était, aussi, un mal nécessaire.

À partir du moment où les Américains ont décidé de battre en retraite, ils savaient qu’ils abandonnaient le pays aux mains des talibans. Et qu’il faudrait bien, par conséquent, en venir à dialoguer avec eux un jour ou l’autre.

Ne serait-ce que pour s’assurer que le peuple afghan ne va pas mourir de faim, comme le faisait remarquer Angela Merkel.

Pour tenter, aussi, de limiter les violations des droits de la personne tant que possible avec de tels barbares au pouvoir.

Et, évidemment, pour veiller à ce que l’Afghanistan ne se transforme pas de nouveau en refuge pour des groupes terroristes sanguinaires.

Enfin, le dialogue sera nécessaire si on veut pouvoir continuer les évacuations d’Afghans en danger, dont plusieurs, répétons-le, ont déjà risqué leur vie pour nous aider.

Désormais, le régime en place contrôle les allées et venues aux frontières du pays.

Les chances d’accueillir des Afghans qui demandent l’asile, au Canada et ailleurs, sont donc également liées à la bonne volonté des talibans.

Le Canada, on le sait, est encore loin d’avoir atteint ses objectifs.

Selon les chiffres obtenus auprès d’Ottawa mardi, il y a environ 2500 demandeurs d’asile afghans qui sont déjà arrivés au Canada et quelque 1250 qui se trouvent maintenant à l’extérieur de l’Afghanistan, en attente.

Au total, Ottawa a jusqu’ici approuvé les demandes d’environ 9500 Afghans par l’entremise des mesures spéciales mises en place pour les ressortissants de ce pays.

On nous dit qu’au cours des prochaines semaines, certains de ces demandeurs d’asile qui se trouvent actuellement au Pakistan pourront prendre des vols nolisés jusqu’au Canada.

Pendant la campagne électorale, Justin Trudeau a promis d’accueillir pas moins de 40 000 réfugiés afghans ; on est encore loin du compte.

À la fin de la semaine dernière, le Globe and Mail a rapporté les critiques du Réseau de transition des vétérans, qui s’implique dans les démarches visant à exfiltrer des Afghans en danger, et qui estime que le gouvernement fédéral ne va pas assez vite.

L’ancien combattant et ancien député bloquiste Michel Boudrias a lui-même contribué à la préparation de 372 dossiers de rapatriement au cours des dernières semaines.

Il considère que la très vaste majorité des dossiers transmis au gouvernement fédéral sont actuellement « en dormance ».

Depuis la fermeture de l’aéroport de Kaboul, « les extractions par voie aérienne sont exclues, on s’est tourné davantage vers les extractions terrestres et ça va prendre plus de temps », nous a-t-il expliqué.

Or, le temps presse.

C’est une autre très bonne raison de continuer à discuter avec le régime taliban, même si on doit le faire en se pinçant le nez.

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