On se sent souvent impuissant face aux méandres de la machine gouvernementale, et les tribunes téléphoniques croulent sous les histoires kafkaïennes d’individus qui se heurtent à une bureaucratie implacable. Le rôle de la protectrice du citoyen est de s’assurer que nos droits soient respectés lors de nos interactions avec les services publics.

Ce travail est particulièrement crucial auprès de ceux et celles qui n’ont pas voix au chapitre dans la société. Surtout quand les dérapages prennent des dimensions dramatiques. On n’a pas fini de dénoncer les négligences dans les résidences pour personnes âgées ou en perte d’autonomie durant la pandémie. Qu’il s’agisse des CHSLD ou des RPA, c’est un euphémisme de dire que les résidants n’ont pas reçu les services auxquels ils avaient droit.

C’est au tour de la protectrice du citoyen de montrer du doigt les défaillances de l’appareil public au cours de cette année covidienne. Elle avait déjà attiré notre attention sur la mauvaise gestion des CHSLD au début de la pandémie, dans un rapport d’étape déposé l’an dernier.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Marie Rinfret, protectrice du citoyen

Elle revient à la charge dans son rapport annuel déposé jeudi. Marie Rinfret et son équipe mettent en lumière plusieurs manquements dans ces résidences : manque criant de personnel, surveillance défaillante des résidants, erreurs dans l’administration des médicaments… Elle critique le manque de « vigilance et de rigueur », ce sont ses mots, des CISSS et des CIUSSS, qui ont pourtant tous les pouvoirs pour inspecter et sanctionner au besoin.

La pandémie a le dos large mais dans ce cas-ci, elle n’explique pas tout. Ce sont des problèmes connus et récurrents, que la protectrice du citoyen a dénoncé dans plusieurs rapports.

Marie Rinfret attire également notre attention sur le cas des candidats à l’immigration ainsi que sur celui des détenus. Le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration remporte la palme, peu glorieuse, du ministère qui a été l’objet du plus grand nombre de plaintes au cours de la dernière année. Refus de certificats de sélection du Québec pour des motifs déraisonnables, perte de documents, longues attentes, on a fait preuve d’un manque flagrant de flexibilité.

Madame Rinfret s’inquiète aussi de la situation dans les centres de détention. Isolement complet des détenus pendant 14 jours sans aucun contact humain à l’exception des agents des services correctionnels – qui ne portent pas toujours leur masque – pas de vêtements propres, suspension des visites, annulation des sorties à l’extérieur. Si cette situation, observée en début de pandémie, s’était poursuivie, la protectrice du citoyen aurait alors parlé d’un traitement inhumain qui s’apparente à de la torture. C’est grave.

Mais Marie Rinfret reconnaît le caractère exceptionnel de la pandémie ainsi que les efforts des autorités carcérales pour éviter les éclosions et protéger les détenus de la COVID-19.

Encore une fois, la pandémie n’excuse pas tout, et elle rappelle qu’il faudra s’attaquer sérieusement aux problèmes de manque de personnel ainsi qu’à l’organisation des services dans ce milieu.

La protectrice du citoyen a raison de dire qu’il y a des leçons à tirer de la crise que nous vivons. Derrière chaque cas décrit dans son rapport, il y a des drames personnels qui auraient pu être évités si l’appareil gouvernemental avait été moins rigide. Nous avons tendance à accepter avec résignation l’idée que la bureaucratie est une grosse machine sans cœur, inhumaine et inflexible.

Or, ce n’est pas une fatalité.

Les services publics peuvent et doivent faire preuve d’humanité. Marie Rinfret parle de « bureaucratie empathique ».

Preuve que c’est possible, dans 98 % des cas, son intervention s’est conclue positivement l’an dernier. Mais la protectrice du citoyen ne peut pas être partout. L’appareil gouvernemental doit, par lui-même, faire preuve de souplesse et d’ouverture. Il a la capacité d’innover, de penser à l’extérieur des petites cases, et d’agir avec bienveillance. Les services publics sont là pour faciliter la vie des gens, pas pour leur mettre des bâtons dans les roues.

En d’autres mots, ils peuvent et doivent faire preuve de gros bon sens.

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