Ce jeudi marque la toute première Journée de la vérité et de la réconciliation partout au Canada. Une façon d’honorer la mémoire enfants disparus et de rendre hommage aux survivants des pensionnats autochtones ainsi qu’à leurs familles et leurs communautés.

On peut se dire que le seul fait d’avoir maintenant cet évènement au calendrier est un progrès. Qu’une prise de conscience est en cours. C’est vrai.

Mais on aurait tort de se donner de grandes claques dans le dos. Parce qu’au-delà des discours, sur le terrain, les choses sont très loin de bouger à la bonne vitesse.

Nos collègues Fanny Lévesque et Nicolas Bérubé révèlent que quoi qu’en dise le gouvernement Legault, les recommandations du rapport Viens sur les relations entre les Autochtones et certains services publics progressent à pas de tortue. Plusieurs appels à l’action parmi les plus importants sont laissés de côté. D’autres mesures ne répondent que de manière « anecdotique » ou « très partiellement » aux recommandations.

Des ministères ont même refusé de fournir des informations au comité chargé de faire le suivi des recommandations !

C’est troublant.

Excédés par le « manque d’engagement » du gouvernement Legault, les chefs autochtones s’adressent maintenant directement aux Québécois pour changer les choses.

Pour le leadership politique, on repassera.

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On voyait déjà que les bottines ne suivaient pas les babines en termes de réconciliation. À peine 1 % des travailleurs de la santé ont suivi la formation sur les Autochtones imposée à la suite de la mort choquante de Joyce Echaquan. Oui, ces gens sont occupés à gérer une crise. Mais si la réconciliation était une réelle priorité, on n’en serait pas là.

Le besoin d’autodétermination des Autochtones en matière de protection de la jeunesse est documenté dans de nombreux rapports et a fait l’objet d’une loi fédérale. Mais Québec la conteste devant les tribunaux parce qu’elle empiète sur ses compétences. Un combat de trop qui nuit aux progrès.

Autre sujet de friction : le projet de loi 96 sur la protection du français. Québec a clairement fait savoir qu’il n’était pas question d’accorder de statut particulier aux langues autochtones. C’est pourtant l’attrait de l’anglais qui menace le français – pas celui de l’algonquin, du micmac ou de l’abénaquis.

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Les bottines ne suivent donc pas les babines. Mais il y a pire : les babines ne disent pas toujours les bonnes choses. Il est de plus en plus clair que l’obstination du gouvernement Legault à ne pas reconnaître le racisme systémique fait diversion et représente un obstacle à la réconciliation.

C’est d’autant plus vrai que le racisme systémique soutient le principe de Joyce, qui dit essentiellement que les Autochtones doivent avoir accès sans discrimination à tous les services sociaux et de santé.

Ça semble aller de soi. Mais mardi, à l’Assemblée nationale, la CAQ a refusé une motion visant à reconnaître ce principe. Le débat a ensuite complètement dérapé, François Legault tournant ses canons vers le député libéral Greg Kelly. Une telle partisanerie et un tel manque de hauteur, le jour même de l’anniversaire de la mort de Joyce Echaquan, étaient indignes d’un chef d’État. Viser la réconciliation en se chicanant, ça n’a jamais marché.

Le gouvernement Legault s’est peinturé dans un coin en niant ad nauseam l’existence du racisme systémique. Mais personne n’est mort en marchant dans la peinture. Une réconciliation, quelle qu’elle soit, implique d’aller plus loin que ses positions initiales. Cette reconnaissance doit venir pour provoquer un déblocage.

On dira que ce ne sont que des mots. C’est faux. Reconnaître le racisme systémique et le principe de Joyce aurait des effets très concrets sur les rapports entre le gouvernement provincial et les Autochtones. François Legault a le devoir de le faire, en s’expliquant aux Québécois. En leur disant que systémique ne veut pas dire systématique. Et qu’une telle reconnaissance ne fait surtout pas de chaque Québécois un raciste.

La crédibilité du gouvernement auprès des Autochtones est sévèrement écorchée. Il faudra à la fois des propos convaincants et des gestes forts pour la rétablir.

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