Il s’en dit des vertes et des pas mûres sur la fameuse Loi sur la laïcité de l’État du Québec pendant cette campagne électorale fédérale. Et pas seulement lors du débat en anglais de la semaine dernière.

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a bien sûr raison de dénoncer les amalgames faits par l’animatrice Shachi Kurl pendant ce débat. En liant la loi québécoise 21 au racisme, Mme Kurl a tracé un parallèle injustifiable.

Faut-il rappeler qu’afficher du mépris et de l’incompréhension quand on dit vouloir combattre le mépris et l’incompréhension n’a jamais été gage de crédibilité et de cohérence ?

Les excuses tardent à venir de la part de Mme Kurl et du consortium ayant organisé le débat anglophone.

L’animatrice n’est toutefois pas la seule à faire des raccourcis avec la loi 21. M. Blanchet le fait aussi lui-même. Il ne s’agit aucunement ici d’excuser l’affront subi pendant le débat ni de comparer des dérives, mais simplement d’en souligner une autre.

Pendant la campagne, on a vu M. Blanchet demander aux autres chefs de s’engager à ne pas « financer » la contestation de la loi 21 devant les tribunaux.

La formule laisse croire que le gouvernement fédéral s’apprête à puiser dans ses coffres pour se battre contre une loi québécoise. C’est trompeur.

Notre Charte canadienne des droits et libertés vient avec un outil essentiel pour la mettre en œuvre : le Programme de contestation judiciaire. L’objectif est de permettre à des personnes ou des groupes minoritaires qui s’estiment lésés dans leurs droits d’accéder au coûteux système de justice en obtenant du financement fédéral.

Mariage entre personnes de même sexe, sauvegarde de l’hôpital francophone ontarien de Montfort, amélioration des procès des victimes d’agressions sexuelles : les gains remportés grâce à ce programme sont majeurs.

Yves-François Blanchet l’a toutefois pris en grippe quand la commission scolaire English-Montréal a voulu l’utiliser pour contester la loi 21 (notons qu’elle a renoncé à ce financement depuis).

M. Blanchet devrait pourtant savoir qu’on ne peut applaudir un programme quand il défend des intérêts avec lesquels on est d’accord… et le torpiller quand il soutient une démarche avec laquelle on est en désaccord.

Après avoir été enterré par le gouvernement Harper, le programme de contestation judiciaire a été ressuscité par les libéraux et confié à l’Université d’Ottawa. Justin Trudeau n’a donc aucun droit de regard sur qui en bénéficie.

Mais cela n’arrête pas le chef du Bloc dans ses accusations. En entrevue éditoriale avec La Presse, il a dénoncé une « proximité idéologique » entre le Parti libéral et l’Université d’Ottawa. Cette dernière serait un « bras du multiculturalisme canadien farouchement anti-Québec ». Rien de moins.

M. Blanchet rappelle que l’Université d’Ottawa compte un professeur, Amir Attaran, qui dit de solides niaiseries sur le Québec. C’est vrai. Il est aussi vrai que l’université a géré de manière pitoyable la fronde de certains étudiants contre la professeure Verushka Lieutenant-Duval.

Sauf que l’Université d’Ottawa est une vaste institution. Ce ne sont ni M. Attaran ni les étudiants qui administrent le programme de contestation judiciaire. En fait, les demandes de financement sont évaluées par deux comités indépendants qui comptent chacun une demi-douzaine de membres.

Dans chaque comité, un seul membre est rattaché à l’Université d’Ottawa.

« Pour moi, c’est une très bonne idée que ce programme soit géré par des universitaires qui font de la recherche indépendante. On a des experts de grande renommée dont on n’a aucune raison de mettre en doute l’intégrité », dit Martine Valois, professeure à la faculté de droit de l’Université de Montréal.

Attaquer l’indépendance d’un outil démocratique aussi important et s’en prendre à l’intégrité des membres qui le composent, c’est gros. Or, M. Blanchet n’a rien pour étayer ses dires outre… des amalgames et des raccourcis.

On en a assez entendu.

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