Convaincre plutôt que contraindre.

En général, c’est ce qu’on souhaite lorsqu’on élabore des politiques publiques. C’est d’ailleurs ce qu’on préconise généralement, depuis longtemps, en matière de vaccination au Québec.

Même dans le cas de vaccins qu’on juge fondamentaux dès l’enfance, il n’y a pas d’obligation pour l’ensemble de la population, contrairement à ce qui prévaut dans de nombreux pays.

Pourtant, en pleine quatrième vague, alors qu’on s’attend à une forte hausse des hospitalisations en raison du variant Delta, tordre un bras aux employés de la santé québécois pour qu’ils se fassent vacciner tombe sous le sens.

On aurait aimé qu’il en soit autrement, mais vient un moment, lorsqu’on ne parvient pas à convaincre de façon efficace, où on a tout avantage à contraindre.

Ce moment est venu.

Il est préoccupant de constater, à ce stade de la pandémie, que ce n’est pas la quasi-totalité des travailleurs du secteur de la santé qui sont vaccinés.

Constater que le Ministère estime que seuls 84 % des employés du réseau public l’ont été jusqu’ici.

Constater que pour certaines professions, le taux est substantiellement plus bas : 79 % pour les préposés aux bénéficiaires et 76 % pour les infirmières auxiliaires, par exemple.

Et apprendre qu’il y a plusieurs travailleurs actuellement infectés à travers le réseau.

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Au début de l’épidémie, on le sait, des professionnels de la santé ont été à la source d’éclosions d’envergure, tout particulièrement dans des résidences pour aînés. Mais il n’y avait pas de vaccin disponible à l’époque.

Aujourd’hui, cette excuse ne tient plus.

Des vaccins existent. Ils sont efficaces. Ils sont sécuritaires.

Ces professionnels ont la responsabilité morale de protéger les personnes, souvent vulnérables, à qui ils prodiguent des soins.

Or, ils ont eu tout le temps qu’il fallait pour retrousser leur manche et se faire vacciner.

Jusqu’ici, en santé, Québec offrait un accommodement pour ceux qui refusaient le vaccin dans quelques secteurs ciblés. Ça allait des urgences aux CHSLD, en passant par les unités de soins intensifs.

Ces professionnels devaient subir un minimum de trois tests de dépistage par semaine et fournir les résultats à leur employeur. Mais ce n’est pas un système à toute épreuve ; plutôt l’équivalent d’aller au front avec une armure trouée.

Sans compter que cette mécanique impose un fardeau additionnel au réseau de la santé, qui est déjà assez surchargé merci !

Dernière chose à savoir, pour ceux qui seraient encore tentés de grimper dans les rideaux en alléguant qu’on ne peut pas forcer quelqu’un à se faire vacciner : sachez qu’avant même la COVID-19, on tordait déjà un bras aux travailleurs de la santé pour l’administration de plusieurs vaccins.

Sans parler d’obligation formelle, Québec estime que ces employés doivent être vaccinés contre les maladies visées par l’immunisation de base (diphtérie, coqueluche, varicelle, etc.), mais aussi d’autres comme l’hépatite B.

Advenant un refus, il était déjà prévu qu’un établissement de santé « pourrait prendre des mesures administratives ». Et qu’un employé pourrait « se voir refuser le privilège de travailler auprès de certains types d’usagers » ou même « être affecté à d’autres fonctions ».

Découvrez les recommandations du ministère de la Santé

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Il faut par ailleurs se réjouir du fait que la CAQ ait annoncé la tenue d’un débat en commission parlementaire sur cette question.

Le refus d’opter pour un tel débat sur l’implantation du passeport vaccinal était une erreur. Le premier ministre semble le reconnaître de façon implicite en permettant des délibérations sur la vaccination.

Sur le fond, tous les partis semblent d’accord avec la décision du gouvernement. Mais le diable est dans les détails.

Il faudra discuter des façons d’appliquer une telle mesure à travers le réseau. En premier lieu : quelles seront les sanctions pour les travailleurs qui persistent à dire non à la vaccination ? Et comment fait-on pour ne pas accentuer la pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs cruciaux ?

Il sera important, aussi, de réfléchir au bien-fondé d’élargir la vaccination obligatoire à d’autres employés de l’État qui sont en contact prolongé avec plusieurs personnes chaque jour.

Les enseignants et les éducatrices, par exemple.

Le débat est encore plus délicat, puisque le virus ne fait pas de ravages chez les plus jeunes comme il peut en faire chez les aînés. Dans ces circonstances, devrait-on encore se fier sur la bonne volonté des travailleurs, ou faut-il leur forcer la main ?

Et si oui, jusqu’à quel point ?

Ne serait-il pas possible d’envisager une solution de compromis, comme celle qui prévalait jusqu’ici dans le réseau de la santé ? S’ils ne veulent pas être vaccinés, peut-être pourraient-ils se soumettre à des tests sur une base régulière ?

L’enjeu mérite d’être exploré en commission parlementaire, car on pourra entre autres y solliciter l’avis de plusieurs experts ainsi que des divers syndicats concernés.

N’oublions pas, à quelques jours de cette commission, que le meilleur outil à notre disposition pour lutter contre ce virus demeure le vaccin. Et que s’en priver sans bonne raison est absurde. Encore plus lorsqu’on met la vie d’autrui en danger.

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