Mille trois cent huit. C’est le nombre de tombes anonymes retrouvées à proximité de quatre anciens pensionnats autochtones dans l’Ouest canadien depuis un mois.

Chez nous, certains acteurs sur la scène publique laissent entendre que les Québécois devraient se sentir moins concernés par l’horreur des pensionnats. Qu’il s’agit d’un scandale fédéral et du Canada anglais. Que la France et le Québec ont toujours entretenu de meilleures relations avec les peuples autochtones.

Dans son message pour la fête du Canada, le premier ministre du Québec François Legault parle de « relations cordiales » et de « partenariat » avec les peuples autochtones depuis l’arrivée de Samuel de Champlain.

Or, cette théorie des « relations cordiales » ne colle pas aux faits.

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Quand ils sont arrivés en Amérique, les Français et les Britanniques avaient le même objectif colonisateur : conquérir le territoire et en exploiter les ressources.

Mais les Français étaient moins nombreux. Ils n’avaient pas la masse critique pour s’imposer et avaient besoin des peuples autochtones pour le commerce de la fourrure. Dans ce qui deviendra les États-Unis, les colons britanniques, plus nombreux, étaient davantage capables d’occuper le territoire afin d’y reproduire leur société européenne.

Mais les Français ont perpétré leur lot de massacres, notamment dans les Antilles, où les peuples autochtones étaient moins nombreux. Ou encore lors de la « guerre d’extermination » contre les « Renards », un peuple autochtone établi près de Detroit, comme le rapporte l’historien Jacques Lacoursière1.

Vous avez encore des doutes sur les intentions des Français en Nouvelle-France ?

Voici le nom officiel de la société constituée en 1641 pour fortifier Montréal : la Société de Notre-Dame de Montréal pour la conversion des Sauvages de la Nouvelle-France.

Sachez aussi que la Nouvelle-France a compté 4000 esclaves, selon l’historien Marcel Trudel, dont les trois quarts étaient autochtones, ce qui plombe la théorie des « relations cordiales ».

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Venons-en aux pensionnats.

Selon la définition officielle de la Convention de règlement relative aux pensionnats, il y en a eu 140 dans le pays, entre 1880 et 1997.

Dont 12 au Québec.

Le fédéral a créé les deux premiers pensionnats au Québec vers 1930, à Fort George. Les Cris entreprendront bientôt des fouilles sur le site de l’île de Fort George.

En 2015, la Commission sur la vérité et la réconciliation a estimé que 3125 élèves sont morts dans les pensionnats autochtones au Canada entre 1867 et 2000. (Selon les experts, ce chiffre se situe maintenant à environ 6000 décès.)

Dont 38 décès au Québec.

Vrai, il y avait moins de pensionnats autochtones en proportion au Québec qu’au Canada anglais, surtout dans les années 1920, 1930 et 1940. Les jeunes autochtones fréquentaient davantage des écoles de jour au Québec. On ne les arrachait pas à leur famille. On ne cachait pas les décès d’élèves pendant des décennies à leur famille. Mais les écoles de jour avaient le même objectif : l’assimilation.

« Vos pauvres ancêtres étaient des sauvages, avait dit [la religieuse]. Et là, émue presque aux larmes, elle nous fit mettre à genoux pour faire demander pardon aux Saints Martyrs canadiens pour la cruauté de nos ancêtres », écrit l’historien huron-wendat Georges Sioui, qui a fréquenté une école de jour2.

Au Canada anglais, plusieurs pensionnats, dont ceux de Kamloops et de Marieval où l’on a retrouvé des tombes anonymes, étaient dirigés ou exploités par des congrégations religieuses québécoises.

Les politiciens fédéraux du Québec, dont le premier ministre du Canada Louis-St-Laurent dans les années 1950, ont aussi mis leur pierre à l’édifice des pensionnats. 3

Il est vrai que le Québec a fait des avancées intéressantes dans ses relations avec les peuples autochtones. On n’a qu’à penser à la paix des Braves avec les Cris en 2002.

Mais de prétendre que la France et la société québécoise ont toujours eu des « relations cordiales » avec les peuples autochtones, c’est faire une lecture inexacte du passé.

1. Jacques Lacoursière, Histoire populaire de la Nouvelle-France, tome 2 – de 1701 à la Conquête, Bibliothèque québécoise, 2017, p. 59 ; Raphaël Loffreda, L’Empire face aux Renards, Éditions Septentrion, 2021, 342 p.

2. Georges Sioui, Les Hurons-Wendat – Une civilisation méconnue, Les Presses de l’Université Laval, 1997, p. 2

3. Marie-Pierre Bousquet, « A Generation in Politics : The Alumni of the Saint-Marc-de-Figuery Residential School », dans H. C. Wolfart (dir.), Papers of the Thirty-Seventh Algonquian Conference : 1-17. University of Manitoba, Winnipeg, 2006, p. 5

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