Au Québec, le grand débat de société autour de la COVID-19 est maintenant de savoir combien de personnes peuvent assister aux matchs de hockey au Centre Bell.

Au Bangladesh, pendant ce temps, le nombre de morts a battu un record la semaine dernière.

L’Indonésie et la Thaïlande n’ont jamais enregistré autant de cas. L’Amérique du Sud essuie la troisième vague de plein fouet. L’Afrique, jusqu’ici frappée moins durement que d’autres continents, voit le virus se répandre à un rythme qualifié d’« alarmant ». On y décrit des hôpitaux qui débordent. Des morgues, aussi.

Ça fait longtemps que la distribution mondiale des vaccins est injustifiable. Mais alors que la plupart des pays développés observent une chute vertigineuse des cas, la situation est plus indécente que jamais.

Le principal mécanisme international de distribution de vaccins, COVAX, est désespérément paralysé. L’initiative n’a permis de distribuer que 90 millions de doses jusqu’à maintenant. C’est moins de 5 % de l’objectif des 2 milliards fixé pour cette année.

Les raisons de cet échec sont notoires. COVAX ne parvient pas à s’approvisionner en vaccins, les pays riches ayant signé des ententes avec les entreprises pharmaceutiques pour accaparer à peu près tout ce qui sort de leurs usines.

Jusqu’ici, comme en cas de dépressurisation en avion, les pays riches pouvaient plaider qu’ils voulaient mettre leur propre masque à oxygène avant d’aider leurs voisins à installer le leur – même si cet argument a toujours été teinté d’égoïsme.

Sauf qu’après avoir mis notre masque, c’est comme si on prenait maintenant le temps de boutonner notre veste, de lacer nos souliers et de vérifier notre coiffure avant d’aller au secours de celui qui étouffe.

Le Canada, par exemple, affirme encore vouloir attendre que « chaque Canadien qui le souhaite » ait reçu ses deux doses de vaccin avant de commencer à en acheminer ailleurs. Le fédéral se targue certes d’avoir partagé 13 millions de doses. Mais il s’agit en fait de vaccins que le Canada a renoncé à recevoir de COVAX, comme l’ont fait la plupart des pays industrialisés. Bref, on ne donne rien. On fait seulement ne pas prendre.

Il est vrai que le Canada a été très généreux en argent avec COVAX, lui octroyant en tout 820 millions. Sauf que ce n’est pas l’argent qui manque actuellement. Ce sont les doses.

Ce qui soulève la question de savoir pourquoi le pays ne commence pas à orienter une partie des vaccins qu’il reçoit vers les pays en développement.

L’idée n’est pas d’arrêter la campagne de vaccination ici. Elle doit absolument se poursuivre, notamment pour nous protéger du variant Delta. Mais l’urgence étant moins aiguë, des vaccins pourraient être envoyés ailleurs sans que cela compromette la vaccination locale. D’autant qu’il est certain que le Canada ne manquera pas de doses. Nous en avons commandé assez pour vacciner plusieurs fois la population.

Quel pourcentage exactement pourrait-il être envoyé ailleurs ? C’est à discuter. Mais cette discussion n’a même pas lieu. Les arguments éthiques en faveur d’un tel geste sont pourtant écrasants – notamment parce qu’aujourd’hui, une dose de vaccin au Bangladesh a beaucoup plus de chance de sauver une vie que la même dose au Canada.

Il semble évident que COVAX recevra des fioles par centaines de millions une fois que les pays industrialisés auront terminé leurs campagnes de vaccination. Le hic est que tout recevoir d’un coup n’est pas idéal pour des pays dont les infrastructures de distribution sont souvent loin d’être optimales. Des livraisons dès maintenant permettraient de déployer la machine et de la tester.

La COVID-19 est un problème international. Après l’avoir largement jugulé chez nous, il serait dans l’intérêt de tout le monde – y compris du nôtre ! – qu’on voie enfin un peu plus loin que nos propres frontières.

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