Il est difficile de voir les problèmes de gouvernance au centre de services scolaire de Montréal, ayant mené à une tutelle, autrement que comme un œil au beurre noir pour le ministre de l’Éducation Jean-François Roberge.

Un de plus…

Bien sûr, ça ne veut pas dire que sa réforme de la gouvernance scolaire (issue du controversé projet de loi 40) doit déjà être considérée comme un échec.

Il est trop tôt pour tirer de telles conclusions.

N’empêche qu’il est maintenant clair que les changements n’ont pas mené à des voies ensoleillées à la grandeur du Québec.

Il y a encore du sable dans l’engrenage, dont une partie s’est accumulée en raison des modifications apportées, justement.

Impossible de le nier, même si on pense que le statu quo était intenable.

Rappelons que le gouvernement avait décidé d’en finir avec les élections scolaires – dont le taux de participation était famélique – et s’est débarrassé des commissaires qui manquaient, selon lui, de légitimité (et il n’avait pas tort).

Les commissions scolaires ont été abolies. Elles ont été remplacées par les centres de services. À leur tête : des conseils d’administration formés de cinq parents, cinq membres de la communauté et cinq membres du personnel du centre.

On touche ici au cœur des problèmes du centre de services scolaire de Montréal (CSSDM). Ils découlent d’un conflit entre la direction générale et une partie des membres du conseil d’administration qui a été créé l’an dernier.

On n’entrera pas ici dans les détails sauf pour dire que chacune des deux parties est convaincue que l’autre est responsable du dysfonctionnement actuel.

Huit des quinze membres du conseil d’administration ont claqué la porte, si bien que ce dernier est paralysé.

Bref, réforme ou pas, le plus grand centre de services de la province est encore aux prises avec des problèmes de gouvernance.

Et la tutelle, qui durera au moins six mois, était assurément nécessaire.

Une poignée de membres du conseil d’administration d’au moins un autre centre de services, celui des Chic-Chocs, en Gaspésie, ont démissionné.

Le déséquilibre entre le pouvoir des directions générales et celui des nouveaux administrateurs a été cité comme un des problèmes du nouveau modèle de gouvernance.

Mais un autre, rapporté par Le Devoir en avril et lié au premier problème, est hautement préoccupant : on impose un devoir de réserve et de loyauté aux membres du conseil d’administration à l’égard du centre de services. Certains estiment qu’il s’agit d’une façon de les réduire au silence.

Un expert réputé de la gouvernance en milieu scolaire, cité par le quotidien et à qui nous avons parlé, a lui-même quitté son poste au conseil d’administration du centre de services scolaire de la Côte-du-Sud.

« J’avais un malaise par rapport au code d’éthique et de déontologie, parce que je ne pouvais plus m’exprimer dans l’espace public », nous a expliqué Jean Bernatchez.

Ajoutez à cela qu’on demande désormais aux directions générales de s’exprimer au nom des centres de services… mais qu’elles ne le font généralement pas.

Et tout porte à croire qu’elles n’oseront pas contredire le ministre ou lever le ton lorsque quelque chose ne tournera pas rond.

Si bien qu’il y a comme une odeur malsaine d’omerta qui s’est installée, comparativement à la situation qui avait cours avant la réforme de la gouvernance.

Comme pour nous le prouver, d’ailleurs, le CSSDM a refusé nos demandes d’entrevue pour cet éditorial, tout comme pour celui sur la vétusté des écoles, publié la semaine dernière.

Bonjour la transparence. Et que dire de la reddition de comptes ?

Au bureau du ministre, on se veut rassurant. On rappelle que l’objectif premier était de dépolitiser le processus. Et si on reconnaît que les directeurs généraux pourraient prendre la parole davantage, on affirme du même souffle que la pandémie n’a pas facilité l’implantation de la réforme.

Soyons donc bons princes pour l’instant et n’allons pas jusqu’à dire que le ministre Roberge a encore une fois échappé le ballon.

Contentons-nous d’affirmer que sa réforme est perfectible et qu’il aurait tout avantage à trouver rapidement une façon de l’améliorer.

C’est essentiel s’il veut nous convaincre que sa véritable intention était de rapprocher le pouvoir décisionnel de l’élève et non de le centraliser de façon telle que c’est de son bureau qu’on tirera les ficelles, sans que personne ne puisse remettre en cause les décisions prises pour le réseau.

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