Ces jours-ci, le chef conservateur Erin O’Toole doit se dire qu’avec des amis comme les délégués qui ont participé au récent congrès de son parti, il n’a pas besoin d’ennemis.

Récapitulons…

Vous cherchez à prouver que votre parti n’est pas rétrograde.

Vous avez réussi à maintenir en place le couvercle sur la marmite des questions sociales. Le mouvement anti-avortement n’a pas volé la vedette, alors que ses membres promettaient pourtant de gâcher la fête.

Vous avez prononcé un discours pour recentrer votre parti et rassurer les Canadiens (tout particulièrement ceux du Québec et des banlieues ontariennes) échaudés par l’ère Andrew Scheer.

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Erin O’Toole, chef du Parti conservateur du Canada

Votre bateau semblait filer sur une mer d’huile et puis… bang !

Le voici encastré dans un iceberg que vous n’avez pas vu avant qu’il soit trop tard : une majorité de militants ont rejeté une motion qui affirme que les changements climatiques sont réels.

Erin O’Toole a tenté de colmater la brèche rapidement.

Aussitôt le résultat du vote connu, il a soutenu que le phénomène est bel et bien réel. Que « le débat est clos ». Et qu’il va proposer « un plan clair et sérieux » à ce sujet.

Mais le mal était fait.

Les électeurs ne retiennent habituellement pas grand-chose des congrès de ce genre. C’est parfaitement normal, mais ça force les partis à une discipline de fer : mettre l’accent sur une idée ou marteler un message et ne pas en déroger.

Or, de quoi va-t-on se souvenir, cette fois ?

Du fait que de nombreux militants conservateurs habitent un pays où les changements climatiques n’existent pas.

* * *

Permettez-nous ici quelques bémols.

Il est possible que certains des 54 % des délégués qui ont voté contre la motion aient été irrités par une autre partie du texte (celle sur les entreprises, par exemple), qui va comme suit :

« Nous reconnaissons que les changements climatiques sont réels. Le Parti conservateur a la volonté d’agir. Nous croyons que l’on doit responsabiliser les entreprises canadiennes, catégorisées superpolluantes, à mettre en place des mesures qui vont réduire leurs GES avec une imputabilité de résultat. Nous croyons qu’il faut soutenir l’innovation en technologies vertes. Il faut devenir un leader mondial et s’en servir comme levier de développement économique. »

Il est possible, aussi, que l’aspect virtuel du congrès ait favorisé un tel résultat. Si on avait tenu le vote dans une salle, certains auraient peut-être été plus sensibles aux pressions du chef et de ses alliés.

N’oublions pas non plus que le vote a eu lieu avant le discours d’Erin O’Toole, où il a soutenu que son parti ne « peut pas ignorer la réalité des changements climatiques ».

Visionnez le discours d’Erin O’Toole

Cela dit, on peut aussi s’interroger sur l’efficacité du chef et de son entourage. Étaient-ils si concentrés à contenir la fronde annoncée des conservateurs sociaux qu’ils n’ont pas vu le danger représenté par les militants climatonégationnistes ?

* * *

Le mal est fait, donc.

Pour les autres partis, l’occasion est trop belle. lls vont taper sur ce clou avec l’enthousiasme d’un enfant qui utilise un marteau pour la première fois.

Erin O’Toole aurait pu passer les prochaines semaines à faire la promotion de son plan d’action, notamment son initiative sur la santé mentale. Au lieu de ça, il aura besoin de se démener comme un diable dans l’eau bénite s’il veut que son futur plan vert ait une quelconque crédibilité.

On se demandait déjà, avant cette crise, comment il allait pouvoir concilier son opposition à la taxe carbone et son désir d’« agir avec détermination » dans la lutte contre les changements climatiques.

Il aura fort à faire s’il veut nous convaincre que son parti se préoccupe vraiment du sort de l’atmosphère.

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