François Legault a raison d’être en colère. Pendant que la menace de nouveaux variants du virus de la COVID-19 est à nos portes, Ottawa est encore un coup en retard dans la gestion des frontières.

Plutôt que d’annoncer de nouvelles restrictions sur les voyages non essentiels, Justin Trudeau a choisi mardi de se mettre à genoux et d’implorer les Canadiens. Il leur a demandé avec un grand « s’il vous plaît » d’annuler leurs prochaines vacances dans le sud.

Cette pandémie a pourtant montré maintes fois que sans interdictions ou réelles mesures dissuasives, de tels souhaits sont souvent ignorés par les plus récalcitrants.

PHOTO YAN DOUBLET, ARCHIVES LE SOLEIL

Des voyageurs quittent l’aéroport Jean-Lesage à Québec en direction de Punta Cana, en République dominicaine.

Les voyagistes, pendant ce temps, affichent leurs forfaits pour la relâche avec des slogans du type « Fuyez le froid hivernal et envolez-vous vers le Sud ! » Une guerre de messages difficile à gagner pour M. Trudeau.

Ce dernier a accompagné ses implorations d’une curieuse menace, affirmant qu’il pourrait changer les règles du jeu pour les voyageurs « sans préavis ». Qu’a-t-il en tête exactement ? Une interdiction des voyages non essentiels comme le réclame le Québec et comme l’a fait l’Australie ? Une quarantaine à faire obligatoirement dans un centre d’isolement comme en Nouvelle-Zélande ?

Impossible de le savoir.

Ottawa aurait intérêt à annoncer clairement ses couleurs. La dernière chose que souhaitent les Canadiens, y compris ceux qui magasinent actuellement leurs vacances, c’est encore de l’incertitude. L’heure est à l’action, pas aux mystères.

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Le fédéral affirme « continuer à évaluer les différents enjeux ». Ceux-ci sont pourtant limpides depuis un moment.

Ces enjeux, c’est le fait que des variants du virus qui semblent être nettement plus transmissibles sont en circulation un peu partout sur la planète. Celui qui fait le plus parler, le B.1.1.7, est tout sauf un numéro de bingo qu’on souhaite tirer. Il a balayé le Royaume-Uni et pourrait devenir dominant aux États-Unis d’ici le mois de mars, selon une nouvelle étude des CDC américains. Le Québec court des risques similaires, où cinq cas du variant ont été détectés jusqu’à maintenant.

Un virus plus transmissible, ça veut dire plus d’infections, donc plus d’hospitalisations et de décès. La menace est d’autant sérieuse que le variant B.1.1.7 pourrait mieux se transmettre chez les enfants.

On entend actuellement des appels à mettre le paquet pour ralentir la propagation du variant B.1.1.7. Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies incite à faire du traçage de contacts « agressif » chaque fois qu’il est détecté. Des chercheurs suggèrent de vacciner en priorité les zones où il est présent.

En théorie, ces idées paraissent sages. En pratique, elles sont très difficiles à implanter. Selon le Laboratoire de santé publique du Québec, il faut cinq jours pour séquencer un virus et identifier à quel variant il appartient. Cela crée un retard considérable pour faire un traçage efficace.

Pour l’instant, ce séquençage gourmand en ressources n’est effectué que pour 5 % des échantillons positifs au Québec. On veut passer à 10 % et séquencer certains cas particuliers, dont les voyageurs. Mais il est évident qu’on ne pourra repérer tous les variants et en circonscrire la propagation – d’autant que le B.1.1.7 n’est pas le seul sur le radar et que d’autres apparaîtront.

La conclusion ? Peu importe quel variant du virus on affronte, c’est le même jeu de base qu’il faut déployer. Cela veut dire appliquer les bonnes vieilles mesures comme la distanciation physique. Cela veut dire, aussi, limiter les introductions en provenance de l’extérieur. Plus on lance d’allumettes, plus le feu prendra rapidement.

On a raté notre coup pour les voyages avec la relâche 2020. On a raté notre coup avec les vacances de Noël. Il serait impardonnable de commettre les mêmes erreurs avec la relâche 2021 et le retour des snowbirds au printemps.

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