L’arrivée de Marc Garneau à la tête du ministère des Affaires étrangères est le résultat d’un jeu de chaises musicales ; il n’y serait pas si Navdeep Bains n’avait pas quitté son poste de ministre de l’Innovation.

L’avenir pourrait démontrer que le hasard fait bien les choses.

Il est permis de croire qu’il s’agit là d’une bonne nouvelle pour la diplomatie canadienne.

L’ancien ministre est l’une des valeurs sûres du gouvernement Trudeau. On le sait doté d’une bonne capacité d’écoute et on aura remarqué, au fil des ans, sa discrétion. Il est tout sauf flamboyant.

Il s’agit de qualités lorsqu’on hérite d’un ministère où la diplomatie et la recherche de compromis sont de rigueur.

On a aussi évoqué ces derniers jours dans les médias sa fine connaissance des États-Unis, où il a travaillé pendant plusieurs années.

PHOTO ADRIAN WYLD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Marc Garneau a été nommé ministre des Affaires étrangères dans la foulée du remaniement ministériel du gouvernement Trudeau à la suite du départ de Navdeep Bains.

Il est vrai qu’une de ses priorités sera de rétablir les ponts avec Washington. La tâche ne doit pas être prise à la légère. Les États-Unis ne sont pas uniquement notre plus important partenaire commercial. Ils sont par-dessus tout un allié indispensable.

Et il est vrai que la feuille de route de Marc Garneau, tout comme son expertise, sont des atouts.

Souvenons-nous d’ailleurs que Justin Tudeau l’avait nommé président du Comité du Cabinet responsable des relations canado-américaines, à l’époque où les sparages de Donald Trump menaçaient l’économie canadienne.

Mais soyons honnêtes, les voyants rouges qui clignotent actuellement sur l’écran radar d’Ottawa ne sont plus à Washington.

Les deux pays qui devraient donner le plus de fil à retordre à Marc Garneau sont la Chine et la Russie.

C’est ça, le véritable casse-tête.

Ils sont là, les dossiers pour lesquels il aura à déployer le plus d’énergie.

Le général Jonathan Vance, qui s’apprête à quitter ses fonctions de chef d’état-major de la Défense du Canada, était interviewé récemment par le Globe and Mail. Il a souligné que nous vivons dans un monde de plus en plus dangereux et, en lien avec ce constat, a évoqué sans ambiguïté la Chine et la Russie.

« Le niveau de danger véritable et effectif dépendra de la façon dont les nations dans le monde vont forcer la Chine à rendre des comptes, a-t-il dit. Et c’est la même chose pour la Russie. »

Or, on manque encore de lignes directrices claires à l’égard de la Chine, à Ottawa. D’une marche à suivre cohérente, à laquelle tout le monde, au sein de l’ensemble des ministères, pourrait se conformer.

On a également besoin – c’est ce que le général Vance a aussi expliqué – d’une « grande stratégie » pour faire face à l’expansionnisme chinois et, dans une moindre mesure, les ambitions de Moscou.

Pour ça, il faudra redoubler d’efforts à l’étranger pour mobiliser nos alliés.

Le travail a débuté, tant pour la politique sur la Chine que pour le renforcement de nos alliances, lorsque François-Philippe Champagne était ministre des Affaires étrangères.

Mais rien de tout ça n’a été mené à terme.

L’entregent et le dynamisme du ministre Champagne n’auront d’ailleurs pas suffi à améliorer notre relation avec la Chine.

Ni à obtenir un siège au Conseil de sécurité de l’ONU.

On peut difficilement lui reprocher cet échec, direz-vous. Après tout, il est entré en poste alors que le processus aux Nations unies tirait à sa fin.

N’empêche, cette gifle nous aura aussi rappelé que les problèmes du ministère des Affaires étrangères ne sont pas superficiels.

Il faudra un jour revoir le mode de fonctionnement de ce ministère sclérosé, où l’expertise en matière de politique étrangère n’est plus assez valorisée et les réflexions à long terme n’ont plus la cote ; ni le ministre Champagne ni Chrystia Freeland n’auront osé s’y attaquer.

Mais pour ça, M. Garneau devra manifester la volonté de changer les choses et il faudra… qu’on lui en laisse le temps !

L’enjeu a été soulevé cette semaine au Canada anglais : les ministres des Affaires étrangères ne sont pas en poste suffisamment longtemps pour accomplir de grandes choses (y compris orchestrer une campagne pour siéger de nouveau, un jour, au Conseil de sécurité !).

Vous nous permettrez donc, en terminant, d’interpeller directement Ottawa : il serait sage, si on souhaite que le ministère des Affaires étrangères retrouve sa crédibilité d’antan et puisse enfin pondre les « grandes stratégies » dont nous avons besoin, de commencer par lui offrir une certaine stabilité.

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