Nos classes sont-elles des nids à COVID-19 ? Faut-il mieux les ventiler ? Faut-il y installer des purificateurs d’air ?

Vendredi dernier, le gouvernement a finalement fait le point sur ces questions. Malheureusement, il a fini par apporter plus de confusion que d’éclaircissements.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

« Conclusions ? Le gouvernement a écarté scientifiquement la solution des purificateurs d’air, mais il lui reste des devoirs à faire. Le risque de transmission par aérosols dans les classes demeure et il est sans doute même sous-estimé par les analyses du ministère de l’Éducation », écrit notre éditorialiste.

Pourquoi ? Parce que pendant la même conférence de presse, il a présenté des résultats scientifiques solides aux côtés d’autres qui semblent avoir été bricolés sur un coin de table.

Le résultat ? Tout le monde, aujourd’hui, doute de tout — même des résultats les mieux étayés.

Quel dommage.

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Tentons d’y voir clair. Quand le docteur Richard Massé nous a expliqué vendredi qu’il ne recommandait pas de placer des purificateurs d’air dans les écoles, il a basé son analyse sur la science.

Il s’est appuyé sur un rapport rédigé par 20 experts et révisé par 6 scientifiques indépendants. L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a aussi publié des analyses qui vont dans le même sens.

Les scientifiques nous expliquent que la transmission de la COVID-19 par aérosols est possible dans les locaux non ventilés, mais qu’il ne s’agit pas du mode d’infection principal. Les dispositifs de filtration pourraient, en théorie, aider à réduire ce risque. Sauf qu’en pratique, ils sont difficiles à utiliser dans une classe. Puisqu’on ignore qui est infectieux, on ignore où les placer pour qu’ils soient efficaces.

Dans ce contexte, miser sur le masque et la ventilation paraît préférable. On peut contester ces conclusions, mais elles sont appuyées par des analyses crédibles et publiées. Exactement ce qu’on demande au gouvernement.

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Voilà pour les purificateurs. Le problème est qu’en parallèle, le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a présenté d’autres données censées montrer que nos classes sont généralement sécuritaires et bien ventilées. Or, ce travail comporte des lacunes, a été mal interprété et mal présenté.

Ce n’était pas clair pendant la conférence de presse, mais les analyses de qualité de l’air n’ont pas été menées par le groupe d’experts cité par le DMassé ni par l’INSPQ. Elles émanent plutôt du ministère de l’Éducation.

Ici, le CO2 sert d’indice pour voir à quel point une classe est bien ventilée. Plus l’air y est stagnant, plus le CO2 s’accumule. On en déduit que les aérosols potentiellement contaminés sont d’autant plus susceptibles de s’y accumuler aussi.

Les spécialistes ont rapidement noté des lacunes dans le protocole utilisé. Un exemple : les chiffres présentés sont des moyennes de la concentration de COmesurée à trois moments… dont l’un avant l’arrivée des élèves.

Il est évident que sans élèves pour générer du CO2, celui-ci s’accumule peu. Les chiffres sont donc artificiellement tirés vers le bas. Rappelons aussi qu’on veut évaluer le risque qu’un élève contracte la COVID-19 en classe. Mesurer une valeur dans une classe vide n’a donc aucune pertinence !

L’interprétation des résultats semble aussi avoir été faite pour rassurer les citoyens. M. Roberge a affirmé que moins de 3 % des classes étaient problématiques. Pourtant, les chiffres montrent que plus de 35 % de celles de l’échantillon dépassent la cible fixée de 1000 parties par million. À l’échelle du Québec, cela fait des milliers de classes problématiques.

Conclusions ? Le gouvernement a écarté scientifiquement la solution des purificateurs d’air, mais il lui reste des devoirs à faire. Le risque de transmission par aérosols dans les classes demeure et il est sans doute même sous-estimé par les analyses du ministère de l’Éducation.

Ça montre l’importance de porter le masque en classe, d’ouvrir les fenêtres, de poursuivre les analyses, de fermer les classes problématiques.

Ça montre aussi que si le gouvernement veut qu’on adhère désormais à ses conclusions, il ferait bien de démêler la bonne de la mauvaise science.

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