Au moment où vous lisez ces lignes, sept êtres humains tournent autour de la Terre à 28 000 km/h dans un agencement de boîtes d’aluminium. Ils flottent en l’air comme des magiciens. Ils voient le Soleil se lever 16 fois par jour. Ils peuvent traverser une pièce d’une simple poussée des doigts.

Bref, ils touchent à l’extraordinaire – avec les coûts exorbitants que cela implique.

La Station spatiale internationale qui les accueille vient de fêter ses 20 ans d’occupation en continu. Une excellente occasion de dresser le bilan de cette aventure plus grande que nature dont le Canada est partenaire.

Un bilan fait de prouesses techniques, de symboles forts et d’émerveillement. Mais aussi de promesses non tenues.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE TWITTER DE DAVID SAINT-JACQUES

L’astronaute canadien David Saint-Jacques a passé plus de six mois à bord de la Station spatiale internationale.

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« Notre maison à l’extérieur de la Terre. » Voilà comment l’astronaute québécois David Saint-Jacques décrit la Station spatiale internationale. C’est peut-être là le plus grand accomplissement de ce vaste projet collaboratif : il nous a appris à vivre hors de notre planète.

Souvent décrite comme l’objet le plus complexe jamais construit par l’être humain, la Station spatiale internationale est une prouesse d’ingénierie. Qu’aucun accident grave n’y soit survenu dans un environnement aussi dangereux force l’admiration.

On peine aussi à trouver une plus belle machine à fabriquer des héros. Combien d’enfants (et d’adultes) David Saint-Jacques, Julie Payette et Chris Hadfield ont-ils fait rêver ? Combien d’étincelles pour la science, l’aventure et le dépassement de soi ont-ils allumées ? Ces bénéfices sont impossibles à quantifier, mais ils sont bien réels.

Le bilan scientifique est beaucoup plus mitigé. La NASA et l’Agence spatiale canadienne aiment décrire la station spatiale comme un laboratoire flottant. Il est indiscutable que de la science de qualité s’y effectue. L’absence de gravité offre un contexte unique à plusieurs expériences, celle consistant à étudier le corps humain dans l’espace n’étant pas la moindre.

PHOTO ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

La Station spatiale internationale

Mais comme dans tout, il faut comparer les bénéfices aux coûts. À environ 200 milliards de dollars canadiens, la Station spatiale internationale apparaît comme un très, très coûteux laboratoire. Pourtant, on peine à trouver la percée scientifique majeure, le remède contre une maladie grave, même le prix Nobel qui découleraient des travaux qui y sont effectués.

À un peu plus de 6 milliards de dollars canadiens, le grand collisionneur de hadrons du CERN, qui a notamment permis la découverte du boson de Higgs, apparaît en comparaison comme une aubaine.

Les mêmes nuances doivent être apportées au bilan diplomatique de la Station spatiale internationale. John Logsdon, professeur émérite au Space Policy Institute de l’Université George Washington, rappelle que les Américains ont invité les Russes à collaborer au projet en grande partie pour s’assurer que leurs capacités aérospatiales ne servent pas à développer des armes pour des pays comme l’Iran ou la Corée du Nord après la chute de l’Union soviétique.

Ce fut un succès, et on n’a qu’à ouvrir un livre d’histoire pour comprendre qu’il n’était pas banal de voir des pays comme le Japon, l’Allemagne, la Russie et les États-Unis s’unir dans un projet commun. L’espace apporte une visibilité inégalée à une telle collaboration. En diplomatie, les symboles comptent.

Mais on peut se demander si cela a encore autant d’impact aujourd’hui. Oui, des Russes et des Américains collaborent dans l’espace. Mais ils le font aussi sur Terre dans des multinationales, des équipes de hockey, des projets scientifiques. On peut se demander si les belles phrases qu’on nous sert décrivent une réalité si extraordinaire.

Pour le Canada, le bilan global apparaît positif. Notre engagement total, jusqu’en 2024, s’élève à 3,2 milliards de dollars. Le pays en aura profité pour se mettre sur la carte avec son emblématique bras canadien, propulsant le développement de la robotique au passage. Huit Canadiens (sept astronautes et… Guy Laliberté) ont visité la Station spatiale internationale jusqu’à présent.

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Après 20 ans d’occupation, force est de constater qu’on fait un peu toujours la même chose dans la Station spatiale. Oui, on s’y trouve dans l’espace, mais à 400 kilomètres à peine de la surface terrestre (la distance entre Montréal et La Malbaie).

La NASA a déjà signifié son intention d’ouvrir la station au privé afin de s’en désengager financièrement. Objectif : mettre les efforts vers la Lune… et Mars.

On est certainement rendus là.

Ceux qui disent qu’on tourne en rond dans la Station spatiale internationale ont un point – littéral – à faire valoir.

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