Pourquoi on paie 18,7 millions par an à la F1 pour avoir le droit de présenter le Grand Prix du Canada ?

Ce n’est pas parce qu’on aime la F1.

C’est parce que l’évènement attire beaucoup de touristes qui viennent de l’extérieur du Québec et du Canada pour voir la F1.

Cette année, à cause de la pandémie, il aurait été irresponsable d’assister à une arrivée massive de touristes étrangers – surtout américains – à Montréal pour le Grand Prix en octobre.

L’annulation du Grand Prix de F1 du Canada, annoncée officiellement vendredi, est donc le meilleur dénouement possible. Sur le plan sanitaire. Et aussi sur le plan économique.

En vertu de l’entente avec la F1, les trois ordres de gouvernements (Ottawa, Québec, Montréal) paient 18,7 millions par année pour avoir le droit de présenter le Grand Prix du Canada. En cette année de pandémie, la F1 n’exigeait pas 18 millions. Selon nos informations, la F1 aurait plutôt exigé la moitié de cette somme, soit environ 9 millions. Les gouvernements ont fait leurs calculs et ils ont offert 6 millions à la F1, qui a finalement décliné.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Le Grand Prix du Canada 2019

De toute façon, même si on avait pu régler la question financière, la F1 voulait visiblement rester en Europe et éviter l’Amérique du Nord pour des raisons sanitaires. Sage décision. L’épreuve au Canada sera donc remplacée par une course en Allemagne.

Si on s’était entendu avec la F1, la seule option sur le plan sanitaire aurait été de tenir le Grand Prix à huis clos, sans spectateurs. Dans ce contexte, annuler l’évènement fait économiser beaucoup d’argent aux gouvernements et aux contribuables. Sans touristes étrangers, l’immense majorité des retombées économiques et fiscales du Grand Prix se seraient évaporées. Les équipes et le personnel de la F1 (environ 2000 personnes) auraient occupé des hôtels au centre-ville, mais ils auraient aussi dû rester dans une bulle sanitaire.

En fait, même en temps normal (sans pandémie), les gouvernements perdent chaque année environ 10 millions avec le Grand Prix du Canada. Ils paient 18,7 millions par an pour présenter la course. En contrepartie, l’évènement génère 8,1 millions en revenus fiscaux. Il y a donc un manque à gagner de 10,6 millions, selon la dernière étude de retombées du Grand Prix qui se base sur l’année 2015.

Comment est-ce possible ? Quand les gouvernements ont négocié le retour de la F1 en 2010, Québec pensait que l’évènement générait des retombées économiques de 89 millions et des retombées fiscales totales de 18 millions par an. Mais Québec se basait sur des données non vérifiées. En 2015, après avoir signé une entente de 10 ans avec la F1, les gouvernements ont décidé de faire une véritable étude d’impact économique. Surprise : les retombées réelles étaient deux fois moins élevées !

Les gouvernements ont donc négocié avec la F1 en pensant qu’ils empochaient 18 millions par an en revenus fiscaux avec le Grand Prix, alors que c’était plutôt 8,1 millions par an. D’où le manque à gagner de 10 millions (les gouvernements font aussi de l’argent avec la vente de billets, environ 4 millions par an aux dernières nouvelles).

Le Grand Prix amène aussi de la visibilité internationale à Montréal. Vrai, mais combien de fois êtes-vous allés en Belgique, à Singapour ou à Suzuka, au Japon, parce que vous y aviez vu un Grand Prix à la télé ? Poser la question, c’est y répondre.

Déçu de l’annulation du Grand Prix pour 2020, le promoteur local François Dumontier a « déploré » le fait que la Santé publique n’aurait pas examiné son plan sanitaire pour avoir des spectateurs dans les gradins. Le sport professionnel et le milieu des festivals devront s’y faire : ce n’est pas demain matin qu’on entassera à nouveau des milliers de spectateurs (même avec un masque) dans un amphithéâtre ou des gradins. C’est une question assez élémentaire de gestion de risques.

Si la LNH, la NBA et le baseball majeur reprennent leur saison sans spectateurs, il n’y avait pas lieu de faire une exception pour le Grand Prix.

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