Dans la vie, on a toujours les défauts de ses qualités.

Au début de la crise de la COVID-19, Ottawa voulait un nouveau programme d’aide rapide avec peu de contraintes et simple à administrer pour accompagner sa nouvelle subvention salariale de 75 %. Personne, surtout pas les travailleurs autonomes, ne devait tomber entre les mailles du filet social.

Ça a donné la Prestation canadienne d’urgence (PCU) de 2000 $ par mois. Avec ses qualités. Et ses défauts. Pour beaucoup de travailleurs à faible revenu, il était plus avantageux de continuer de toucher la PCU plutôt que de retourner au travail quand les conditions sanitaires se sont améliorées au début de l’été.

Résultat : la PCU est tellement simple à obtenir qu’elle a été trois fois plus coûteuse (60 milliards) que la subvention salariale (20 milliards). Bref, la PCU a éclipsé la subvention salariale, le contraire de ce que voulait au départ le gouvernement Trudeau.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

« Comme la Prestation canadienne d’urgence, la subvention salariale 2.0 a les défauts de ses qualités », constate notre éditorialiste.

Ottawa tente donc à nouveau sa chance avec une deuxième version de la subvention salariale à l’automne. Pour les travailleurs qui n’y seront pas admissibles, le gouvernement Trudeau envisage de les faire passer de la PCU à une assurance-emploi élargie (le fédéral n’a pas encore indiqué comment il allait s’y prendre).

La subvention salariale 2.0 fonctionnera-t-elle ? Difficile à dire pour l’instant, car on ne connaît pas encore l’alternative (PCU ou assurance-emploi).

Comme la PCU, la subvention salariale 2.0 a les défauts de ses qualités.

Sa plus grande qualité : beaucoup plus d’entreprises y seront admissibles, car elle ne sera pas réservée aux entreprises dont les revenus ont chuté d’au moins 30 %. Le taux de subvention variera selon la chute des revenus et il diminuera au fil de l’automne (il variera théoriquement de 1 à 60 % des salaires admissibles). Une subvention supplémentaire allant jusqu’à 25 % sera aussi offerte aux entreprises les plus durement touchées par la crise.

Son plus grand défaut : la formule de calculs est complexe. Les grandes entreprises pourront s’adapter, mais on est inquiet dans le milieu des PME. D’accord, on ne peut pas donner la même subvention salariale à une entreprise qui a perdu 80 % de ses revenus qu’à une entreprise qui en a perdu 20 %. Mais le fédéral aurait intérêt à simplifier sa formule. Et à créer un site web interactif qui calcule quelle est la meilleure option pour votre subvention salariale. Sinon les PME trouveront le programme trop compliqué ; elles ne l’utiliseront pas et on reviendra à la case départ. Pour la troisième fois.

On attend maintenant avec impatience le sort que réservera Ottawa à la PCU et à l’assurance-emploi.

S’il veut favoriser le retour au travail, le fédéral doit miser sur l’assurance-emploi en s’assurant d’y intégrer les travailleurs autonomes. Sur le plan politique, l’assurance-emploi offre aussi un avantage : on peut attendre jusqu’à sept ans avant de résorber complètement les déficits de la caisse d’assurance-emploi, financée par les cotisations des employés (1,2 % du salaire admissible au Québec) et des employeurs (1,68 %).

Mercredi, le collègue André Dubuc nous apprend toutefois qu’Ottawa veut payer la moitié de la facture de la PCU (36 milliards sur 73) en puisant dans la caisse d’assurance-emploi. C’est une très mauvaise idée.

Le ministre fédéral des Finances, Bill Morneau, dit qu’il ne veut pas hausser ses impôts ni réduire les dépenses du gouvernement pour payer le déficit de 343 milliards. À long terme, ça ne tient pas la route. Tôt ou tard, il devra payer une partie importante de ce déficit. Plutôt que de puiser dans la caisse de l’assurance-emploi, Ottawa devrait avoir le courage de s’y attaquer directement. Ce serait plus équitable que de le financer en partie par les cotisations d’assurance-emploi des travailleurs sur leurs premiers 54 000 $ par an.

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