Tant mieux si le gouvernement Legault s’engage à déposer un plan d’action sur le racisme. Mais un plan, ça ne suffira pas. La preuve, il y en a déjà eu et aux dernières nouvelles, le racisme et la discrimination systémique existent encore.

Après une consultation publique, le gouvernement Charest présentait en 2008 sa Politique de lutte contre le racisme et la discrimination. Cela n’a pourtant pas éradiqué le profilage racial, les refus à l’embauche et les propos haineux. Et ce, malgré les rapports, malgré les consultations, malgré les études et les enquêtes qui ont suivi.

Avoir des objectifs, c’est bien. Avoir une volonté ferme de les atteindre, c’est encore mieux.

Au moins, la discussion est bien engagée grâce à Québec solidaire. C’est à cause d’une habile motion du parti de gauche que le gouvernement caquiste s’est engagé à déposer un plan d’action.

Les solidaires n’ont pas proposé de consultation publique – sans être contre, ils n’en font pas une demande formelle. Et ils n’ont pas utilisé le terme « systémique », qui aurait donné aux caquistes un prétexte pour débattre du concept au lieu de parler de ses victimes.

Au lieu de gagner le débat du jour, ils ont pensé au combat à long terme.

Bref, ils ont appris des ratés de 2017.

À l’initiative de leur aile jeunesse, les libéraux avaient alors proposé une commission sur la discrimination systémique. Les caquistes, péquistes et plusieurs commentateurs craignaient un « procès des Québécois ». La même phrase revenait : les Québécois ne sont pas racistes.

Cela était révélateur à plusieurs égards.

On laissait ainsi entendre qu’il y avait d’un côté les Québécois, et de l’autre les gens racisés. Et on s’intéressait moins aux victimes du racisme qu’au ressenti des gens qui ne le subiront jamais.

Bien sûr, après des décennies à subir les injures du Canada anglais, l’épiderme de plusieurs s’est aminci. Autre récent exemple qui n’aide pas : des militants de Québec solidaire qui ont critiqué un hommage à Jacques Parizeau, comme si l’héritage de ce grand bâtisseur se résumait à sa déclaration sur « l’argent et des votes ethniques ».

Reste qu’il importe peu de savoir si les Québécois sont plus ou moins racistes que les Saskatchewanais ou les Danois. La priorité n’est pas de se situer sous la médiane des nations racistes… La question est plus simple : reste-t-il encore du racisme ? Oui, alors attaquons-nous-y.

Si l’exercice a avorté, c’est aussi parce que les libéraux étaient présumés coupables d’antinationalisme et parce qu’ils avaient maladroitement confié une vaste consultation à la Commission des droits de la personne, alors en pleine crise interne.

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Que faire alors ? On ne prétend pas détenir la solution, mais à tout le moins, identifions quelques écueils.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Manifestation pour la justice à la suite de la mort de George Floyd, dimanche dernier à Montréal.

Avant d’écrire le plan, il faudra mener une forme de consultation. En effet, il serait ironique que le plan d’action sur le racisme soit rédigé par des gens qui – comme l’auteur de ces lignes – ne l’ont jamais vécu dans leur chair et ne le comprendront donc jamais tout à fait.

Une consultation élargie n’est toutefois pas simple à organiser, comme le prouve l’exemple de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, conclue il y a exactement un an. Des gens voulaient l’utiliser pour libérer la parole, d’autres pour enquêter sur des crimes particuliers. Certes, cela avait une valeur thérapeutique et pédagogique. Mais cela a aussi mené à des délais et à des démissions. Des avocats craignaient qu’en s’éparpillant ainsi, on perde de vue le mandat, soit de déterminer les causes systémiques pour formuler des recommandations applicables.

Pour mieux chercher des solutions, il pourrait être utile de cibler certains problèmes : rapports avec la police (profilage, formation, Bureau des enquêtes indépendantes), emploi (discrimination à l’embauche, reconnaissance des diplômes), représentativité (taux d’emploi dans la fonction publique et dans les postes de direction) ainsi que les relations interpersonnelles (propos et crimes haineux, accès au logement).

Pour chacun de ces volets, il existe déjà des consultations, des rapports, des études, des enquêtes et des politiques gouvernementales, souvent avec des cibles ratées. Au moins, le gouvernement caquiste peut se rassurer : on ne part pas d’une feuille blanche.

Le premier ministre François Legault a dit que la lutte contre le racisme passait entre autres par l’éducation. Il a raison, mais pour cela, le gouvernement a aussi un rôle crucial à jouer : dépolitiser le dossier en ne l’assimilant pas à un procès des Québécois et en ne se contentant pas d’être meilleur que les États-Unis.

Car être une société distincte, c’est aussi pouvoir se juger selon ses propres critères.

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