« Les commissions scolaires ont souvent de la difficulté à avoir accès à un terrain pour la construction d’une école ou l’agrandissement d’un établissement existant. »

Ce n’est pas le ministre de l’Éducation Jean-François Roberge qui a fait cette déclaration, non. C’est plutôt écrit noir sur blanc dans le rapport du Vérificateur général du Québec publié l’automne dernier.

Qu’on se le dise : la décision de créer un mécanisme qui pourrait forcer des municipalités à céder un terrain pour la construction d’une école n’est pas une lubie. Il fallait trouver un moyen de changer la donne.

Dans le rapport du Vérificateur général – cité mercredi par le premier ministre à l’Assemblée nationale –, on explique que les municipalités ont cédé 26 terrains gratuitement (ou pour une valeur symbolique de 1 $) pour la construction d’écoles en vertu des plans québécois des infrastructures de 2013-2023 à 2016-2026. Tant mieux, direz-vous…

En fait, pas tout à fait. Car « seulement 7 des 26 terrains étaient facilement utilisables », précise-t-on. On évoque, pour les autres, « des problèmes de contamination des sols ou d’autres particularités, telles qu’une pente forte ou des équipements municipaux à déplacer ». Tout ça a « complexifié les projets de construction ». Pas très édifiant.

Et ça, c’est pour les projets qui ont démarré. On sait pertinemment que le problème est plus vaste. Rappelez-vous comment la Ville de Montréal avait proposé à la CSDM, en 2017, un terrain dans la cour d’un terminal pétrolier avec vue sur d’immenses citernes ! Et un autre situé entre des voies ferrées et l’échangeur Turcot. Ou un autre encore qui se trouvait directement sous des lignes à haute tension…

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Bref, il y avait trop longtemps que des municipalités mettaient des bâtons dans les roues des commissions scolaires pour la construction de nouvelles écoles.

Trop longtemps, aux demandes pour obtenir un terrain, certaines municipalités répondaient par d’inutiles tergiversations ou par une entourloupette.

Trop longtemps, donc, les besoins des enfants ne figuraient pas dans leurs priorités.

La situation était d’autant plus intenable que le nombre de projets de construction ou d’agrandissement d’écoles est en train de se multiplier au Québec.

Il est également important de noter que les municipalités savaient que le Ministère voulait trouver une façon de remédier à ce problème.

Depuis 1995, les terrains pour la construction d’écoles ont souvent été offerts par les municipalités, mais ça n’a jamais été convenu de façon officielle. Or, en janvier dernier, le ministère des Affaires municipales a expédié une lettre dans le but de leur faire savoir qu’il était « de l’intention du gouvernement de poursuivre et de formaliser l’approche en vigueur depuis 1995 ». Les intentions de Québec étaient donc connues.

L’idée n’était donc ni une lubie ni un secret d’État.

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Cela étant dit, il est difficile de ne pas être sensible au désarroi des municipalités quant à la façon dont le ministre Roberge a procédé pour en arriver à ses fins.

L’amendement nécessaire pour officialiser ce changement, qui prend la forme d’un document de sept pages, a été déposé quelques heures avant l’adoption forcée et expéditive du projet de loi 40, dans la nuit de vendredi à samedi dernier ! On imagine mal une façon plus cavalière de procéder.

L’approche « bulldozer » du ministre Jean-François Roberge, pour reprendre le terme utilisé par certains députés de l’opposition, a par ailleurs forcément empêché la tenue de sains débats à ce sujet. De la discussion jaillit la lumière, généralement. Les pourparlers avec les municipalités n’étaient pas au point mort. Il n’était pas minuit moins une.

PHOTO RYAN REMIORZ, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge

D’ailleurs, certains aménagements pourraient s’avérer nécessaires. Comment penser, par exemple, qu’on ira jusqu’à forcer la Ville de Montréal à débourser des sommes faramineuses pour acheter des terrains – dans le cas où on ne trouve pas de site potable disponible – afin de les offrir gratuitement aux nouveaux centres de services ?

Le statu quo était intenable, c’est vrai. En revanche, on l’a déjà écrit dans nos pages et il est bon de le répéter : il n’y avait aucun avantage à adopter le projet de loi 40 en si peu de temps.

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