Ce n’était pas censé se passer ainsi.

Quand l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) a été créée en juin 2017, nous avions applaudi. Enfin, de l’ordre et de la vision pour le développement des transports collectifs ! Du moins, c’est ce qu’on croyait…

Dans les décennies, le même scénario s’était trop souvent répété : Montréal, Laval et Longueuil défendaient chacune leur projet, sans oublier les arrondissements et le gouvernement du Québec qui avaient aussi leurs préférences. Cela faisait beaucoup de gens qui tiraient la couverture chacun de leur côté. Et à chaque élection, les priorités changeaient, et le travail recommençait. Le métro en constitue un parfait exemple – Laval veut prolonger la ligne orange, tandis que Montréal rêve à sa ligne rose et que Longueuil voudrait de nouvelles stations sur la ligne jaune.

Chaque projet continue ainsi d’avancer en même temps dans la confusion, sans qu’on prenne un peu de recul pour savoir lequel servirait le mieux la grande région de Montréal.

D’où l’idée de la réforme de 2017. Les villes devaient désormais s’occuper d’abord des opérations de leurs transports collectifs, tandis que l’ARTM héritait de la planification pour l’ensemble de ce réseau.

Cette excellente idée, on attend encore qu’elle se concrétise. Pour l’instant, on entend plus parler de l’ARTM pour son contrôle du travail des autres que pour son rôle de planificateur.

Il est vrai que la tâche est colossale. L’ARTM doit déposer des rapports touffus sur la planification du réseau ainsi que sur l’harmonisation des titres de transport – il y en a encore plus de 700, ce qui complique les déplacements entre les villes. Attendus pour cet hiver, ces rapports devraient finalement être remis d’ici le début de l’été.

En soi, ce retard n’a rien de dramatique, surtout s’il permet de compléter le travail.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Train de banlieue à la gare de Pointe-aux-Trembles

Or, pour l’instant, les échos ne sont pas rassurants. Plusieurs sources nous rapportent que l’ébauche actuelle du rapport ne hiérarchise pas clairement les projets à réaliser. Si cela se confirme, on retournera à la case départ. Aux vieilles habitudes qui font en sorte que près de 40 ans après son annonce initiale, le prolongement de la ligne bleue n’a pas commencé…

À la décharge de l’ARTM, le gouvernement caquiste ne l’a pas aidée. En mai dernier, Québec a chargé la Caisse de dépôt d’étudier le prolongement du Réseau express métropolitain (REM) vers Laval et Longueuil, ainsi que l’implantation d’un « nouveau mode de transport » vers l’Est de Montréal. Cela devient un cercle vicieux : on ne fait pas confiance à l’ARTM, donc on lui enlève des responsabilités, ce qui lui enlève de la crédibilité, et ainsi de suite.

Reste que l’ARTM pourrait s’aider un peu… Le problème n’est pas seulement ce qu’elle ne fait pas. C’est aussi ce qu’elle fait, dans la cour des autres. Comme l’a rapporté la semaine dernière notre collègue Bruno Bisson, les sociétés de transport du Grand Montréal se plaignent de la bureaucratie imposée par l’ARTM.

L’Autorité devait s’intéresser aux objectifs des sociétés de transport, mais elle veut aussi vérifier les moyens pris pour les atteindre. Et ce souci du détail peut aller loin. Par exemple, si une société de transport achète un simple véhicule pour suivre la ponctualité de ses autobus, l’ARTM exige d’être informée. Avec ses nombreux comités et sous-comités de vérification, l’ARTM ressemble autant à un contrôleur des opérations qu’à un planificateur. Pourtant, les sociétés de transport possèdent déjà leurs propres conseils d’administration et leurs propres comités de vérification.

En plus de cette reddition de comptes, il y a d’autres dédoublements. Selon nos informations, l’ARTM a insisté pour créer ses propres banques de données d’usagers, afin de faire ses sondages, au lieu de reprendre celles déjà existantes des opérateurs.

Avec l’urgence d’améliorer le réseau, ce gaspillage de temps et de ressources est choquant.

On pourrait aussi parler des oublis de l’ARTM. Le ministre des Transports, François Bonnardel, a aussi dû mandater un sous-ministre pour offrir un plan B aux usagers du train Deux-Montagnes lors de sa fermeture durant les travaux du REM.

Certes, L’ARTM est encore jeune. Il n’est pas trop tard pour redresser la barre, mais le temps presse. Le grand Montréal avait besoin d’un organisme indépendant pour proposer les meilleurs projets et les défendre auprès du gouvernement du Québec. Que l’ARTM se lève et assume son véritable rôle.

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