Il y a toutes sortes de raisons qui expliquent les crises du recyclage à répétition au Québec. Le besoin de modernisation des centres de tri. La faible qualité des matières récupérées. La curieuse habitude qu’on a prise d’envoyer nos déchets en Chine et en Inde.

Mais ce qu’on dit moins, c’est que s’il y a crise à répétition au Québec, c’est aussi – et beaucoup – parce que nous, citoyens, nous récupérons mal.

Ne culpabilisez pas. Ce n’est pas totalement de notre faute. Ça fait 20 ans qu’on nous demande de tout déposer dans notre bac vert (ou bleu), sans trier.

C’est vite fait… mais ce n’est malheureusement pas bien fait. Car de ce fait, on envoie dans le camion de collecte toutes sortes de matières qui se mélangent, du verre, du métal, du carton (sans compter les ordures que certains ajoutent négligemment).

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

« Nous sommes peut-être devenus d’excellents récupérateurs avec le temps, mais nous demeurons de bien piètres recycleurs », conclut François Cardinal.

Et donc, ce qui se retrouve au centre de tri est un amalgame de matières qui se contaminent les unes les autres, si bien qu’elles en deviennent trop souvent des… ordures. De vulgaires déchets dont on doit se débarrasser au dépotoir.

Un exemple ? Le verre.

Vous avez beau déposer vos bouteilles de vin dans votre bac avec précaution, elles se briseront forcément dans le camion. Se mélangeront aux autres matières. Puis se rendront aux centres de tri où il sera bien difficile de séparer le verre broyé, qui en plus usera prématurément les machines et blessera peut-être même les employés.

Et tout ça, pourquoi ? Pour. Rien.

Car la quantité de verre déposée dans le bac de récupération qui est recyclée en verre au Québec ne dépasse pas les… 0 %.

Pas sorcier. Pour faire du verre avec du verre, il faut s’assurer de n’avoir que du verre. C’est pourquoi l’unique usine de recyclage du verre de Montréal (Owens Illinois) doit s’approvisionner à l’extérieur du Québec… pendant que la quasi-totalité du verre du Québec est acheminée à l’enfouissement !

On se retrouve ainsi avec une situation hautement paradoxale, dénoncée par le Front commun pour une gestion écologique des déchets : la collecte sélective municipale récupère une matière… puis la rend inapte au recyclage.

Bête de même.

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Voilà pourquoi il faut féliciter le gouvernement Legault d’avoir fait cette semaine ce qu’aucun gouvernement avant lui n’avait réussi à faire : déposer une réforme ambitieuse du système de consigne. Une réforme qui permettra de retirer le verre du bac de récupération afin de développer une véritable filière de recyclage.

Ce geste, on l’attend depuis au moins sept ans, car le plus important conditionneur de verre au Québec (Klareco) a fermé ses portes en 2013. Et la quantité de verre envoyée au dépotoir est par la suite passée de 20 % à… 86 % !

Il était donc temps qu’on emboîte le pas aux huit autres provinces canadiennes qui ont implanté un système de consigne pour les bouteilles de vin, notamment.

La proposition de la CAQ a beaucoup de bon sens : élargir la consigne à tous les contenants de boissons de 100 millilitres à 2 litres, peu importe s’ils sont en plastique, en verre, en métal ou en carton multicouche.

Comme en Ontario, il y aura quelque 400 points de chute un peu partout au Québec : des centres de collecte, des commerces, des gobeuses, etc.

Rien de bien compliqué, contrairement à ce que certains commentateurs laissent d’ailleurs entendre. La consigne ne deviendra pas « une job à temps plein », et elle ne nécessitera pas non plus qu’on prenne « une journée de congé ».

Les Ontariens le font depuis 2007, et jusqu’ici, le taux d’absentéisme au travail n’a pas bougé. Contrairement à leur taux de recyclage, qui, lui, a explosé.

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Cela dit, le gouvernement Legault sait qu’il ne doit pas s’arrêter en si bon chemin.

C’est très bien de retirer le verre du bac pour que les matières soient moins contaminées, mais ce n’est qu’un premier pas. Car le verre n’est pas un cas unique : le papier souffre aussi d’être mélangé à plein d’autres matières. Lui aussi, lorsqu’il est contaminé, devient une matière recyclable de faible qualité.

La preuve : nos papetières sont forcées de s’approvisionner en matières recyclables à l’extérieur du Québec… pendant qu’on reste pris avec nos ballots de papier mixte que personne ne veut.

On en revient ainsi au véritable problème derrière les crises du recyclage : notre façon de récupérer les matières pêle-mêle à la maison.

C’est un échec. Disons-le.

Le bac, tel qu’on le connaît depuis si longtemps, est malheureusement un échec.

Et donc, de la même manière que le gouvernement a repensé la consigne, il doit maintenant repenser la collecte pour nous aider à mieux récupérer. Il doit, en effet, nous forcer à revoir nos habitudes pour que l’on trie nos déchets à la source.

C’est ce que fait la municipalité de Saint-Denis-de-Brompton, par exemple, depuis quelques années. Elle a installé des cloches pour que les citoyens sortent les contenants de verre de leur bac et aillent les déposer eux-mêmes, comme on le voit en Europe.

C’est aussi ce que fait la Ville d’Ottawa. Un bac pour le papier et le carton, un autre pour le plastique et le métal. Une semaine, on en collecte un, la semaine suivante, on ramasse l’autre.

Et à cela s’ajoute un nécessaire examen de conscience sur la quantité de déchets que nous générons collectivement. Bien beau de récupérer les matières utilisées, mais il vaut encore mieux réduire la quantité de matières utilisées. Mieux vaut, autrement dit, un bac presque vide qu’un bac qui déborde.

Cela dit, après 20 ans de récupération pêle-mêle, on n’a plus tellement le choix de revoir le système pour mieux trier à la source. Car nous sommes peut-être devenus d’excellents récupérateurs avec le temps… mais nous demeurons de bien piètres recycleurs.

La réforme

La consigne visera le contenant et non le contenu des boissons. Le projet de consigne vise en effet les contenants de boissons de 100 ml à 2 L, qu’ils soient en plastique, en verre ou en métal. Les contenants de type carton multicouche seront également visés dans un second temps.

Les matières

Voici quelques exemples de contenants visés : bouteilles de vin et de spiritueux, bouteilles d’eau, contenants de boissons en plastique et canettes en aluminium actuellement non consignés (thé glacé, eau gazéifiée ou aromatisée, jus de légumes, etc.). Et dans un second temps, les contenants multicouches de lait et de jus.

Les montants

Le montant de la consigne sera uniformisé à 0,10 $ pour tous les produits visés, à l’exception des vins et spiritueux, dont le montant s’établira à 0,25 $.

Les objectifs

Les entreprises qui mettent en marché les contenants de boissons consignés se verront imposer des objectifs de récupération et de recyclage : 

– Un taux de 75 % devra être atteint en 2025.

– Ce taux sera de 90 % en 2030.

Les échéanciers

On vise une entrée en vigueur progressive de ce nouveau système à partir de l’automne 2022 pour les contenants de boisson en verre, en plastique et en métal, et de l’automne 2024 pour les contenants en carton multicouche.

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