Le cours Éthique et culture religieuse (ECR) est mûr pour une révision en profondeur. Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a raison de vouloir lancer cette réflexion. À condition de conserver les aspects positifs de ce cours, qui n’est pas la catastrophe que certains dénoncent.

N’oublions pas que ce cours constituait un progrès. Auparavant, les élèves suivaient soit un cours d’enseignement religieux confessionnel, soit un cours de morale. En 2008, le cours ECR a réuni tous les élèves dans une même classe pour apprendre ensemble les fondements de l’éthique et des grandes religions.

Le projet était très ambitieux. Peut-être un peu trop, même. Il y a eu des irritants dans le contenu du cours.

Par exemple, la non-croyance (athéisme et agnosticisme) occupait une place moins importante que les religions. Et les religions étaient parfois dépeintes de façon caricaturale en présentant des dogmes comme des vérités historiques. C’était vrai dans certains manuels. Et c’était possiblement le cas aussi, parfois, dans la façon d’enseigner la matière.

On écrit « possiblement », car nous ne sommes pas dans les salles de classe. D’où la pertinence de la consultation annoncée.

En l’absence d’un portrait d’ensemble, il faut se méfier de ceux qui attaquent caricaturalement le cours. Car il a beaucoup d’ennemis. Il subit les foudres à la fois des athées militants et des nationalistes conservateurs. Ces derniers y voient un projet d’endoctrinement multiculturaliste.

Les enseignants qui portent ce cours ne méritent pas ce procès sans nuance. Le cours est inspiré par des humanistes comme le philosophe Georges Leroux, qui voulait favoriser la reconnaissance de l’autre, la poursuite du bien et l’apprentissage du dialogue.

Reste que dès le départ, il y avait une tension. Comment maintenir un recul critique face aux croyances sans critiquer ceux qui se définissent par ces mêmes croyances ? Selon les profs d’ECR, c’était tout à fait gérable. Mais selon d’autres, il ne s’agissait pas de tension, mais carrément d’incompatibilité. Par exemple, le Conseil du statut de la femme déplorait en 2016 que ce cours montrerait qu’une forme de sexisme est acceptable : celle qui découle d’une croyance religieuse sincère.

À leur décharge, les penseurs derrière le cours ont toujours été de bonne foi et reconnaissaient que des ajustements devaient être apportés. Pour eux, il est probablement trop tard.

Le ministre Roberge a annoncé vendredi dernier que le nom du cours changerait et que le volet culture religieuse serait réduit, sans toutefois être éliminé. En contrepartie, il songe à y ajouter plusieurs volets : participation citoyenne et démocratie, éducation juridique, écocitoyenneté, éducation à la sexualité, développement de soi et des relations interpersonnelles, citoyenneté numérique et culture des sociétés.

Le ministre, un ancien prof, a déjà enseigné le cours au primaire. Il sait donc de quoi il parle.

Autre bonne nouvelle : il veut y rapatrier l’éducation à la sexualité. Cette matière a été réintroduite l’année dernière au primaire et au secondaire. Mais le sujet doit simplement être intégré quelque part dans les autres cours et les enseignants se plaignent de manquer de temps et de formation pour l’ajouter à leur horaire déjà surchargé. Dans le nouveau cours, l’éducation sexuelle aurait une place appropriée. Après tout, elle porte aussi sur le « respect de soi » et l’« acceptation de l’autre », deux volets du cours l’ECR.

Par contre, d’autres aspects de l’annonce sèment l’inquiétude.

Les enseignants ont appris la nouvelle dans le journal. Bien sûr, ils pourront participer aux trois forums prévus, mais pour l’ambiance, ce manque de consultation est de mauvais augure. De plus, on se demande comment un seul cours pourra parler en même temps de religion, d’éthique, de sexualité et aussi… d’écocitoyenneté. Il ne serait pas mauvais de ratisser un peu moins large pour éviter que le cours ne devienne un fourre-tout.

Au-delà de ces considérations plus techniques, ne nous méprenons pas : ce sont bel et bien deux visions du monde qui s’affrontent. La première vision, celle du vieil ECR, soutient que les individus sont indissociables de leurs croyances particulières, qui doivent être respectées et reconnues. Et la seconde, celle des critiques de l’ECR, croit que les citoyens doivent d’abord être réunis autour d’un socle commun de valeurs universelles au-delà de leurs particularismes.

M. Roberge semble se rapprocher de la deuxième sans complètement renier la première. Une belle façon de garder un certain équilibre tout en favorisant l’acceptation de l’autre serait de prévoir un volet contre la xénophobie. En rappelant, par exemple, que le racisme est un concept non seulement répugnant, mais dénué de toute base scientifique.

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