Vous avez peut-être vu ce sketch où l’humoriste John Oliver appuie sur un détonateur pour faire exploser un monument de quatre chiffres : 2020.

Et où il souligne son geste vengeur d’un juteux : « F… y…, twenty-twenty ! »

Comme lui, nous aimerions bien jeter cette année de pandémie aux poubelles de l’Histoire, avec toute la solitude, la souffrance et la mort qu’elle a semées sur son passage.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

« La pandémie nous a aussi fait découvrir que la manière dont nous valorisons certains métiers aux dépens d’autres doit, elle aussi, être révisée, estime notre éditorialiste. Longtemps perçu comme un boulot secondaire et payé en conséquence, le métier de préposé aux bénéficiaires, par exemple, s’est avéré aussi précieux qu’indispensable. »

Mais cette année dévastatrice aura aussi été un puissant révélateur des failles qui affligent nos sociétés. Avant de tourner la page dans le calme de nos foyers confinés, ça vaut la peine de se demander ce que l’année 2020 nous aura appris. Et d’en tirer des leçons.

La liste qui suit n’est évidemment pas exhaustive. Mais voici quelques éléments de réflexion.

Notre relation avec la nature en général et les animaux en particulier

Comme l’écrit la journaliste Sonia Shah dans son excellent essai Pandémie – Traquer les épidémies, du choléra aux coronavirus, les êtres humains sont les « alliés involontaires des pandémies ». Le remblayage des zones humides, l’abattage des forêts, mais aussi les conditions d’élevage des animaux, que ce soit dans les marchés humides asiatiques ou dans les fermes de visons occidentales, sont autant d’activités humaines qui favorisent le passage des virus des animaux aux humains. « La route entre le microbe animal et le pathogène humain est devenue une autoroute », écrit Sonia Shah. Manifestement, à l’avenir, il faudra apprendre à mieux gérer la circulation.

L’impréparation de nos établissements de santé

Des débordements funestes dans des hôpitaux mal équipés, il y en a eu sur tous les continents, mais le seul réseau de santé sur lequel nous avons prise est le nôtre. À retenir, parmi d’autres manquements : les stocks d’équipements de protection qui n’étaient pas à jour au moment où le virus a frappé. Un modèle de gestion hyper lourd qui a ralenti les mesures d’adaptation à la pandémie. Sans oublier la pénurie de personnel criante, exacerbée à mesure qu’infirmières, inhalothérapeutes et préposés aux bénéficiaires étaient frappés par le virus. Gros boulot en perspective sur ces trois fronts.

La valorisation de certains métiers au détriment d’autres

La pandémie nous a aussi fait découvrir que la manière dont nous valorisons certains métiers aux dépens d’autres doit, elle aussi, être révisée. Longtemps perçu comme un boulot secondaire et payé en conséquence, le métier de préposé aux bénéficiaires, par exemple, s’est avéré aussi précieux qu’indispensable. Québec a dû délier les cordons de la bourse pour former et embaucher des milliers de nouveaux « PAB ». Espérons qu’il fera tout pour les garder.

Nous ne sommes pas égaux devant une pandémie

Un peu partout dans le monde, la fortune des plus riches a explosé, alors que les plus pauvres se sont encore appauvris. Aux États-Unis, la fortune des Américains les plus riches a gonflé de 1300 milliards de dollars, soit une hausse de 23 %. À l’échelle mondiale, la fortune des plus riches s’est appréciée du quart, pour atteindre 10 200 milliards US. Pendant ce temps, 150 millions de personnes pourraient glisser sous le seuil de l’extrême pauvreté, du jamais-vu depuis 25 ans. Tirons-en une leçon générale : la lutte contre la pauvreté et pour une meilleure redistribution de la richesse, c’est AUSSI une façon de protéger les plus vulnérables en temps difficiles.

L’exacerbation des inégalités entre hommes et femmes dans les sociétés développées

La récession post-pandémique a donné lieu à un néologisme : she-cession. Le recul économique s’est conjugué davantage au féminin qu’au masculin. Pourquoi ? Parce que davantage de femmes que d’hommes ont quitté leur emploi pour s’occuper des enfants cloués à la maison. Parce que les mises à pied ont frappé des secteurs d’emplois traditionnellement féminins, comme le commerce de détail, la restauration, etc. Globalement, les femmes ont perdu 1,8 fois plus d’emplois que les hommes, affirme la BBC. Selon l’économiste canadienne Armine Yalnizyan, le niveau de participation des femmes au marché de l’emploi est à son plus bas depuis 30 ans. Et les perspectives d’une reprise au féminin sont faibles. Comment faire, à l’avenir, pour se prémunir contre un effritement de la situation économique des femmes ? Il y a de quoi réfléchir, ici aussi.

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Peut-on utiliser les horreurs de 2020 comme un tremplin vers un monde meilleur ? C’est la suggestion du magazine britannique The Economist, qui rappelle la frénésie qui s’est emparée de la planète dans les années 1920, au sortir de la Première Guerre mondiale et de l’épidémie de grippe espagnole. Et qui suggère qu’avant de plonger dans une répétition des Années folles, un siècle plus tard, nous aurions tout intérêt à tirer des conclusions des souffrances de l’année pandémique qui se termine. Notamment en concluant un « nouveau contrat social adapté au XXIe siècle ».

À méditer, en regardant le Bye bye 2020.

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