Faudra-t-il appeler les agents de sécurité pour calmer les esprits ?

L’entreprise GardaWorld et la Caisse de dépôt et placement du Québec sont en plein conflit ouvert, s’échangeant des mots durs via les journaux.

Au centre de l’affaire : un investissement de la Caisse dans le géant américain de la sécurité Allied Universal qui la place en compétition directe avec Garda, un « fleuron québécois ».

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

« Garda trône au 11e rang des plus importants employeurs de la province, avec 16 000 employés », écrit notre éditorialiste.

Les enjeux sont grands. Allied et la Caisse d’un côté, Garda de l’autre, courent le même lapin. Un gros lapin britannique nommé G4S, tout simplement la plus grande firme de sécurité au monde. Les deux groupes ont déposé des offres concurrentes pour l’acquérir.

Mettre la main sur G4S, c’est se retrouver en position dominante sur l’échiquier mondial. Le laisser échapper, dans un marché en pleine consolidation, c’est courir le risque de se transformer en proie.

C’est donc l’avenir de Garda – ou, à tout le moins, son positionnement dans l’industrie mondiale – qui est en jeu dans cette course aux enchères.

Les mauvaises langues diront que l’entreprise n’est plus vraiment québécoise. Elle est détenue à 51 % par un fonds britannique et à 43 % par son fondateur, Stéphan Crétier, qui réside maintenant à Dubaï. Mais le siège social demeure ici. Surtout, Garda trône au 11e rang des plus importants employeurs de la province, avec 16 000 employés. C’est plus que Québecor, Air Canada, la SAQ, Ubisoft ou Jean Coutu.

La Caisse paraît donc très mal dans cette affaire. Ses deux mandats – générer du rendement et soutenir l’économie du Québec – entrent en collision de plein fouet.

Faire de l’institution québécoise le méchant de l’histoire est toutefois un peu court. Il ne faut pas oublier que malgré son important investissement dans Allied, la Caisse a répondu présente quand Garda est venue cogner à sa porte pour obtenir de l’aide afin d’acheter G4S.

La Caisse a rapidement monté un financement de plus de 1 milliard de dollars américains pour Garda – de gros sous, même pour la Caisse. Garda a finalement trouvé une offre plus avantageuse ailleurs et a décliné celle de la Caisse. C’est son choix. Mais difficile de prétendre ensuite que la Caisse n’a pas été là pour elle !

La suite est évidemment frustrante pour Garda. Après avoir vu son offre de 5,2 milliards US rejetée par G4S, l’entreprise a appris qu’Allied déposait une offre concurrente de 5,7 milliards US. D’où les invectives du patron de Garda contre la Caisse.

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Il y a des choses qu’on ignore dans cette histoire. On ne sait pas, par exemple, pourquoi Allied a décidé de faire une offre pour G4S ni le rôle qu’a joué la Caisse dans cette décision. Cette offre peut avoir été échafaudée par la Caisse pour maximiser son investissement. Ou avoir été sollicitée par G4S à la suite de l’offre de Garda, sans que la Caisse ait grand-chose à y voir.

Autre inconnue : les conditions exactes de l’offre de 1 milliard US faite par la Caisse à Garda.

Oui, la Caisse a tendu la main à Garda. Mais à quel point cette offre était-elle intéressante pour l’entreprise ?

La Caisse possède les réponses à ces questions. Elle peut aussi évaluer si, au moment de devenir le plus important actionnaire d’Allied en 2019, elle a pris une décision éclairée compte tenu de son double mandat. On ne peut évidemment pas exiger de la Caisse qu’elle s’abstienne d’investir dans toutes les entreprises de tous les secteurs susceptibles d’entrer en concurrence avec des entreprises québécoises. Sauf que Garda est l’une des rares véritables multinationales fondées au Québec. Aurait-on pu prévoir la confrontation actuelle et éviter cet investissement ?

L’épargne des Québécois, aujourd’hui, se retrouve du mauvais côté d’une malheureuse chicane. Avec les informations dont elle dispose, la Caisse doit faire son examen de conscience. Il est possible qu’elle juge avoir tout fait pour aider Garda. Dans le cas contraire, espérons qu’elle en tire des leçons.

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