Un jour de janvier 2020, dans un des premiers méga-rassemblements de la campagne présidentielle qui s’amorçait, Donald Trump s’est adressé aux fidèles de l’église El Rey Jesús à Miami.

L’endroit n’était pas choisi au hasard. Cette église évangélique rejoint majoritairement une population latino – communauté courtisée par Donald Trump. Or, parmi les électeurs latinos, les évangéliques sont ceux qui le soutiennent avec le plus de ferveur.

Depuis ce passage à Miami, Donald Trump a fait une cour assidue aux Latinos de cet État crucial.

Pari gagné : selon les sondages effectués à la sortie des urnes, il a réussi à convaincre la moitié des Hispaniques de Floride à voter pour lui. En 2016, ils étaient 40 %. Sa part du vote latino en Floride a donc augmenté de 25 % en quatre ans.

Selon l’institut Edison Research, si le président républicain a pu remporter les États de la Floride et du Texas, c’est en grande partie grâce au vote latino.

PHOTO PEDRO PORTAL, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Des supporters du président Donald Trump défilant dans le quartier Little Havana de Miami, le 10 octobre dernier

Pourtant, sa gestion catastrophique de la pandémie de COVID-19 a eu un impact sanitaire et économique dévastateur sur cette communauté. Ils ont été des millions à perdre leur emploi. Et près du quart (22 %) ont eu un test positif ou croient avoir été frappés par le coronavirus. Or, dans deux États-clés, leur appui au président qui n’a jamais pris la COVID-19 au sérieux s’est renforcé.

Comment est-ce possible ?

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Le mystère du vote latino est d’autant plus fascinant que cette frange de l’électorat croît à une vitesse exponentielle. Les États-Unis comptaient 27 millions d’électeurs latinos en 2016 ; ils sont 32 millions aujourd’hui. Au point de représenter, à l’échelle nationale, le groupe minoritaire qui pèse le plus lourd dans la balance électorale.

En Arizona, l’un des États où se joue le sort du scrutin du 3 novembre, les électeurs hispaniques représentent presque le quart de l’électorat. En 2010, ils étaient 10 %.

La proportion d’électeurs latinos croît partout aux États-Unis alors que la portion d’électeurs « blancs non-latinos » décline, constate le centre de recherche Pew.

Du côté démocrate, on a tendance à se réjouir de ces changements démographiques. Après tout, la majorité des Latinos votent bleu.

Sauf que les Latinos ne forment pas un bloc monolithique. Comme l’avait compris Donald Trump, parmi eux, les évangéliques sont plus conservateurs que les autres. Ils sont sensibles à des questions comme l’avortement, par exemple.

De leur côté, les Latinos d’ascendance cubaine et vénézuélienne, nombreux en Floride, sont les plus susceptibles de voir en Joe Biden un socialiste doublé d’un communiste, comme l’a décrit à répétition Donald Trump. Après tout, ils ont connu et fui ce genre de régimes. Ce message, martelé par le président, a trouvé là un public conquis d’avance. L’épouvantail a fait mouche auprès de cette frange de l’électorat latino.

Il ne faut pas s’imaginer non plus que les électeurs latinos sont automatiquement ouverts à l’immigration. Ce n’est pas le cas. Les immigrants de la troisième génération, ceux qui sont nés aux États-Unis et se définissent comme des « Américains blancs », peuvent très bien voter pour un président qui n’hésite pas à séparer les enfants migrants de leurs parents et à les détenir dans des conditions inhumaines.

À l’inverse, les Latinos d’origine mexicaine, mais aussi ceux qui sont plus éduqués, plus jeunes, penchent davantage du côté démocrate.

Comme l’écrivait récemment le journaliste Jose A. Del Real dans le Washington Post, les allégeances politiques des Latinos « varient en fonction de leurs origines, de leur éducation, de leur situation économique, de leur genre et de leur religion ».

Bref, aucun parti ne peut les tenir pour acquis. Et ce n’est pas en faisant jouer Despacito, comme l’a fait Joe Biden dans un rassemblement ciblant cette communauté, que l’on obtient automatiquement leur adhésion…

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La part d’électeurs « caucasiens blancs » est en chute libre aux États-Unis. Ils ne sont plus que 51 % au Texas, par exemple. Et ils pourraient devenir minoritaires à l’échelle nationale quelque part entre 2045 et 2050.

Cela bouleversera le tissu démographique des États-Unis. Mais comme le montre l’exemple du vote latino, croire que la carte politique du pays en sortira bleuie relève d’une illusion.

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