C’est frustrant, imparfait, voire déprimant pour certains. Mais n’en déplaise aux propriétaires de gyms et de studios de yoga, on n’a pas le choix de se rallier à la prolongation des mesures sanitaires annoncée lundi soir par François Legault.

Aucun Québécois n’a débouché le champagne en apprenant que nous replongeons presque tous dans une autre période de contacts sociaux réduits au minimum. Mais la réaction de 200 propriétaires de gymnases, de studios de yoga, de danse et d’arts martiaux dépasse les bornes. En défiant le gouvernement et en affirmant qu’ils ouvriront quand même jeudi, ces gens font preuve d’une irresponsabilité inouïe.

Rappelons à ces propriétaires qui réclament des études montrant que leurs installations représentent des risques d’éclosion que le gouvernement ne s’est pas attaqué seulement aux endroits où l’on a démontré de la transmission importante. Il a voulu viser plus large en « changeant l’environnement social » des Québécois pour réduire leurs contacts. Rappelons-leur aussi que les restaurateurs, tenanciers de bars et gens de théâtre, notamment, rongent aussi leur frein… sans inciter à la désobéissance civile.

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Le gouvernement Legault se retrouve dans une situation difficile. Les mesures actuelles ont stabilisé la courbe des nouveaux cas et même des hospitalisations. Mais elles n’ont pas mené à la baisse significative espérée.

La capacité hospitalière tient le coup, mais demeure fragile. Il suffirait de quelques flambées dans les populations vulnérables pour la menacer, surtout que la situation de la main-d’œuvre est serrée.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LAPRESSE

Le premier ministre du Québec, François Legault, lundi à Montréal

Le gouvernement regarde aussi ce qui se passe ailleurs. En France, en Italie, en Angleterre et dans certains États américains, la deuxième vague est en train de s’emballer. Au printemps, ce qui se déroulait là-bas a souvent fait office d’avertissement pour ce qui s’en venait chez nous.

Tout ça, en plus du fait que le Québec est frappé plus durement qu’ailleurs, fait opter pour la prudence. Le maintien du même message, même s’il n’est pas parfait, a aussi l’avantage de ne pas devoir être réexpliqué. On comprend les autorités de ne pas vouloir changer de stratégie en plein combat.

D’un autre côté, il faut aussi reconnaître que les effets indirects des mesures sanitaires sont lourds pour un grand nombre d’entre nous. Les experts envoient des signaux inquiétants sur la santé mentale, notamment, et l’été est à peine deux mois derrière nous. Dans quel état serons-nous, collectivement, en mars ? Les élèves de troisième secondaire, par exemple, particulièrement vulnérables au décrochage, seront-ils bien servis en restant à la maison un jour sur deux ?

Reconfiner comme au printemps est une solution de dernier recours. Ouvrir considérablement les vannes à ce point-ci serait extrêmement risqué. Entre les deux, il y a un vaste espace dans lequel le gouvernement doit viser un équilibre. Cet équilibre est par définition imparfait et sera sans cesse contesté des deux côtés.

Cela étant dit, François Legault doit commencer à s’inquiéter de l’adhésion des citoyens à sa stratégie. La sortie des propriétaires de gyms, aussi inacceptable soit-elle, est un signe à prendre au sérieux. Des mesures de santé publique n’ont aucun effet si elles ne sont pas suivies.

Il faudra aussi réaliser que si la population est prête à donner un coup de frein pendant deux mois, elle veut aussi voir les élus réfléchir à des façons plus durables de vivre en contexte de pandémie. Il faut penser à des manières de permettre certaines activités dans un encadrement qui minimise les probabilités de transmission, mais sans viser le risque zéro. Surtout que l’arrivée prochaine des tests rapides et les nouveaux investissements en personnel et en technologie pour le traçage pourraient aider à soutenir cette réouverture très encadrée de certaines activités.

Oui, donc, pour rentrer la tête sous l’eau encore 28 jours. Mais souhaitons qu’on trouve ensuite des façons de mieux respirer.

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