Côté santé mentale, ça ne va pas bien du tout. Selon une enquête effectuée au début de septembre par des chercheurs de l’Université de Sherbrooke, un Québécois adulte sur cinq affiche des symptômes tenant d’une dépression majeure ou d’un trouble d’anxiété généralisé. À Montréal, c’est une personne sur quatre.

Vous avez bien lu. Parmi les quelque 6000 Québécois interrogés par les chercheurs entre le 4 et le 14 septembre, 20 % manifestaient des signes cliniques de problèmes graves de santé mentale.

Les comparaisons ont leurs limites, mais la prévalence des mêmes symptômes dans des enquêtes semblables réalisées en « temps normal », hors COVID-19, est de deux à six fois moins élevée.

Il y a de la détresse psychologique dans l’air et les psychologues la mesurent chaque jour dans leur pratique. Ça peut aller de l’augmentation des cas de troubles alimentaires, à des rechutes de consommation d’alcool ou de narcotiques, ou encore au syndrome de choc post-traumatique chez les employés du réseau de la santé qui ont vu des horreurs qui n’auraient jamais dû arriver.

Tout ça alors que le Québec vient de plonger tête première dans la deuxième vague de la pandémie. On ne peut qu’imaginer dans quel état nous émergerons de ce semi-confinement, surtout s’il se prolonge au-delà des 28 jours annoncés.

Les Québécois entrent dans la deuxième vague avec des réserves d’adaptation épuisées, note la présidente de l’Ordre des psychologues Christine Grou. Pour elle, il n’y a pas 36 000 solutions : il faut élargir rapidement l’accès à du soutien psychologique pour les victimes de cette épidémie silencieuse.

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Sauf que. Ici comme ailleurs, la COVID-19 est un révélateur qui expose crûment les défaillances de nos réseaux publics. En l’occurrence : la difficulté d’obtenir des soins de psychothérapie. Dans le réseau public, l’attente est interminable : dans 70 % des cas, ça prend plus de six mois pour un premier rendez-vous avec un psychologue. Dans 30 % de cas, plus d’un an, signale Karine Gauthier, de la Coalition des psychologues du réseau public québécois. Un an quand on a besoin de consulter un psy, c’est une éternité.

Au privé, les listes s’allongent aussi, notamment depuis la pandémie. Et encore : il faut avoir les moyens de payer. L’inégalité dans l’accès à un suivi psychologique est abyssale.

Le Québec, pourtant, ne manque pas de psychologues, au contraire. On en compte 8800, soit un par 960 habitants. Quatre fois plus qu’en Ontario, qui a un ratio d’un psychologue pour 3750 habitants.

Le problème, c’est qu’au Québec, les psychologues quittent massivement les écoles et les CLSC, pour la pratique privée. Et que cet exode crée une distorsion dans le marché, où les plus démunis poireautent indéfiniment sur des listes d’attente.

Entre 2013 et 2018, le réseau public (scolaire et santé) a perdu 141 psys, le privé en a gagné 366, constate la Coalition des psychologues du réseau public québécois dans un récent mémoire. Et l’écart n’est pas en train de se combler : les jeunes psychologues choisissent majoritairement la pratique privée.

Ce double système est profondément inégalitaire et laisse trop de gens sur le carreau. L’idée d’intégrer certains soins de psychothérapie au panier de services couverts par la RAMQ fait son chemin depuis quelques années.

En 2017, le gouvernement Couillard a annoncé la création d’un programme public de psychothérapie qu’il n’a pas eu le temps d’achever. En 2019, le Forum québécois en santé mentale a conclu que la psychothérapie doit être universellement accessible. L’ex-ministre de la Santé Danielle McCann voulait donner un tour de roue dans cette direction.

Puis il y a eu la COVID-19 et toutes ses retombées – dont celles citées plus haut. On ne pouvait avoir une démonstration plus percutante de l’importance de mener cette réforme à terme.

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