Nous sommes à 586 cas de COVID-19 pour la seule journée d’hier.

Or, avant de recevoir un résultat positif, ces 586 individus ont été en contact avec des dizaines de milliers de personnes qui sont soudainement à risque d’être infectées et contagieuses.

Cette situation, elle se présente chaque jour. Et chaque jour, la Santé publique doit joindre rapidement toutes les personnes en contact avec un cas positif afin qu’elles se fassent tester.

C’est ce qu’on appelle le traçage, ou enquête épidémiologique. Et c’est le nerf de la guerre si on veut éviter que la deuxième vague soit aussi forte que la première.

Et pourtant, le chiffre fait peur : près de 30 % des gens ne répondent pas lorsqu’ils sont contactés par la Santé publique, selon le ministre Christian Dubé.

Pire encore, la Dre Mylène Drouin a raconté lundi que sur 512 personnes contactées ce week-end… « seulement le tiers a répondu » !

Des données inquiétantes qui montrent les limites du traçage à la mitaine. Et qui montrent, aussi, que le Québec aurait intérêt à envisager à nouveau d’offrir l’application fédérale de traçage Alerte COVID.

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On parle beaucoup des difficultés rencontrées avec le dépistage depuis la rentrée, mais les témoignages émanant du terrain révèlent d’immenses problèmes du côté du traçage aussi.

Lors de la première vague, il était facile de joindre les contacts des gens infectés : on était alors confinés !

À l’époque, un enquêteur épidémiologique n’avait qu’à joindre cinq ou six personnes pour chaque cas d’infection. Il pouvait ainsi réaliser jusqu’à huit enquêtes par jour.

Mais depuis la rentrée, c’est passablement plus compliqué.

PHOTO GRAHAM HUGHES, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

« On parle beaucoup des difficultés rencontrées avec le dépistage depuis la rentrée, mais les témoignages émanant du terrain révèlent d’immenses problèmes du côté du traçage aussi », souligne François Cardinal.

Lorsqu’un cas positif se présente, il est fréquent qu’un enquêteur soit obligé de joindre une cinquantaine de personnes ! Si bien qu’il peut mener une ou deux enquêtes par jour tout au plus.

Rappelez-vous le souper à Laval dont a parlé le ministre Dubé : 17 personnes présentes, 14 cas de COVID-19… mais 330 personnes à joindre !

D’où un délai pour les contacts dans certaines régions qui peut atteindre cinq jours !

Mais ce n’est pas tout. Il y a une certaine proportion des Québécois qui refusent de collaborer, surtout des jeunes, dit-on. Peut-être par peur d’être stigmatisés ou de forcer des amis à se mettre en quarantaine.

Il y a aussi des pépins techniques. Les appels de la Santé publique en dehors de Montréal se font parfois à partir de numéros masqués. Et bien des gens n’y répondent pas. En plus, dans certaines régions, les enquêteurs ne laissent pas de message. Ou bien ils en laissent un, mais sans numéro de rappel.

Autant de problèmes qui expliquent qu’environ un tiers de Québécois ne répondent pas à l’appel.

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D’où l’importance pour le Québec de regarder à nouveau la possibilité d’offrir l’application de traçage élaborée par le fédéral sur laquelle il a mis une croix il y a quelques mois.

Une application simple, efficace et gratuite, qui ne coûtera rien à la province et qui a été téléchargée 2,6 millions de fois dans le Rest of Canada. Pas mal !

Et plus de 260 personnes infectées ont volontairement averti les autres utilisateurs. Ce n’est pas énorme, c’est vrai, mais ce n’est pas rien non plus.

Or, le gouvernement Legault a hésité jusqu’ici, notamment parce les partis de l’opposition s’inquiètent du partage des données personnelles et du respect de la vie privée des utilisateurs.

C’est compréhensible. Nous-mêmes, en éditorial, avons émis des réserves à ce sujet le printemps dernier.

Mais rendons-nous à l’évidence : le contexte n’est plus le même.

1) L’application a fait ses preuves.

2) La deuxième vague est à nos portes.

3) Le traçage à la mitaine ne suffit plus.

L’application apparaît donc soudainement comme un outil de plus dans un coffre qui en contient bien peu.

L’application ne remplace pas le traçage des autorités, mais elle vient le compléter. Et s’ils sont quelques milliers de Québécois à embarquer, cela permettra peut-être d’éviter quelques dizaines d’éclosions. Et ce sera ça de gagné dans un contexte, disons-le, où on gagne bien peu de victoires.

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