C’est un cliché de dire que chaque crise présente une occasion – la COVID-19 est d’abord un drame qui a fauché des vies. Reste que le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a une occasion inédite de permettre aux intervenants spécialisés de faire davantage ce qu’ils doivent faire : aider les jeunes en difficulté.

Pour vous en convaincre, voici une question.

Que feront les orthophonistes et autres spécialistes pour la rentrée scolaire ? Ils vont passer une partie de leur temps à remplir des formulaires.

Pendant que des enfants en difficulté attendront leur aide, ils devront valider les cotes administratives des élèves pour obéir aux exigences de la bureaucratie du ministère de l’Éducation. Cela leur prendra de nombreux jours, voire des semaines. Comme chaque automne.

PHOTO PAUL CHIASSON, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

« Des élèves qui n’éprouvaient pas de difficultés risquent d’avoir besoin d’aide pour la première fois. Et ceux qui en arrachaient déjà risquent d’avoir aggravé leur retard », écrit notre éditorialiste.

Si seulement c’était nécessaire pour bien cibler l’aide aux élèves en difficulté…

Elle fournit des critères à la machine pour déterminer l’allocation des ressources et pour appliquer, entre autres, les conventions collectives des profs. Des critères plus politiques que pédagogiques.

Si on s’inquiète des effets de l’absence prolongée et s’il manque de spécialistes, alors pourquoi ne pas alléger cette procédure ? Pourquoi ne pas profiter de la COVID-19 pour réduire la bureaucratie et augmenter l’aide directe aux élèves ?

Après tout, les besoins seront criants. Des élèves qui n’éprouvaient pas de difficultés risquent d’avoir besoin d’aide pour la première fois. Et ceux qui en arrachaient déjà risquent d’avoir aggravé leur retard.

Bien sûr, le financement doit correspondre aux besoins. Mais on pourrait tout simplement reconduire les enveloppes actuelles puis les ajuster ou les bonifier plus tard durant l’année. C’est ce que propose entre autres l’Ordre des orthophonistes et audiologistes, dont les membres voudraient commencer la rentrée en travaillant avec les enfants et non avec des formulaires.

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Un peu de souplesse serait aussi bienvenue pour les plans d’intervention aux élèves en difficulté et la continuité des services entre les garderies et le réseau scolaire.

Les plans d’intervention élaborés par l’équipe-école servent à cibler l’aide. Ils sont habituellement refaits chaque automne. Les enseignants veulent avec raison voir évoluer leurs élèves pendant quelques semaines pour mieux connaître leurs besoins. Reste que cela fait en sorte que les nouveaux plans sont souvent prêts seulement en janvier. Il faudra s’assurer que dans l’attente, les vieux plans soient appliqués comme prévu. D’autant qu’avec la pandémie, ils n’ont pas vraiment eu le temps d’être appliqués pendant plus de deux ou trois mois.

Pour la continuité des services, la COVID-19 représente moins une occasion qu’une menace. Au préscolaire, l’aide vient du système de santé. À partir de la maternelle, elle vient du réseau scolaire. Quand un jeune change de réseau, les services ne suivent pas. La protectrice du citoyen a dénoncé cet abandon en septembre dernier.

Selon son rapport, les services seraient plus faciles à obtenir dans le réseau de la santé. Or, à cause de la COVID-19, plusieurs spécialistes ont été mobilisés dans les CHSLD et d’autres établissements de santé. Seront-ils à nouveau disponibles pour les élèves ?

Depuis le début de la semaine, l’opposition et les syndicats pressent avec raison le ministre Roberge pour obtenir des réponses à leurs nombreuses questions sur le retour en classe. Mais il ne faudrait pas non plus oublier les lourdeurs et les embûches administratives auxquelles le réseau s’est malheureusement habitué. L’occasion est trop belle pour ne pas s’y attaquer.

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