Le gouvernement a fait aveuglément confiance à une organisation bien étrange. N’aurait-on pas dû enquêter un peu sur WE Charity (Mouvement UNIS) avant de lui accorder un aussi juteux contrat sans appel d’offres ?

Depuis le déclenchement de l’affaire WE Charity, on tente de comprendre la séquence des évènements qui a permis à une organisation proche des Trudeau et des Morneau de décrocher un programme de bénévolat frôlant le milliard de dollars.

Les témoignages des derniers jours ont permis de jeter un peu d’éclairage sur cette histoire, certes, mais il reste encore bien des zones d’ombre. À commencer par une question fondamentale : pourquoi avoir aveuglément fait confiance à WE Charity pour administrer une si grande quantité d’argent ?

C’est au cœur de toute cette affaire, puisque la fonction publique prétend qu’elle ne pouvait pas s’occuper de la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant. Elle ne pouvait pas, semble-t-il, étendre la portée du programme Service jeunesse Canada, une conclusion plutôt surprenante qui a d’ailleurs étonné Justin Trudeau lui-même.

Il fallait donc absolument, et de toute urgence, sous-traiter. Et selon une analyse qui n’a toujours pas été rendue publique, WE Charity était la seule et unique organisation au pays capable de distribuer rapidement une enveloppe de plus de 900 millions.

PHOTO CHRISTOPHER KATSAROV, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Les frères Craig et Marc Kielburger lors de l'évènement WE Day, à Toronto, le 20 septembre 2018

D’où le « choix binaire » devant lequel on a placé les élus du cabinet : un programme administré par WE Charity… ou pas de programme du tout ! Hum…

Bon. Admettons que c’était bel et bien la seule organisation au pays capable de gérer la Bourse. Était-ce, en soi, une raison suffisante pour la lui confier ?

N’y aurait-il pas eu lieu d’enquêter un peu sur WE Charity avant de lui accorder un aussi juteux contrat sans appel d’offres ?

Bref, n’aurait-on pas dû, malgré l’urgence sanitaire, s’assurer que cette organisation était non seulement compétente, mais digne de confiance ?

La question est primordiale, car il s’agit ici de la bonne gestion des fonds publics. Et quand vous mettez de côté la proximité des frères Kielburger avec les libéraux pour vous attarder à leur organisation comme telle, vous vous rendez compte que WE est une bien drôle de bibitte…

On décrit par exemple cette « entreprise sociale » comme une championne du bénévolat qui envoie des jeunes partout sur la planète pour faire du travail humanitaire. Or, prenez quelques secondes pour visiter le site web de leur antenne ME to WE (metowelodges.com) : on est loin de la construction de latrines dans la boue !

ME to WE
  • Le site web de l’antenne ME to WE de WE Charity

    PHOTO TIRÉE DE L'INTERNET

    Le site web de l’antenne ME to WE de WE Charity

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On offre aux humanitaires en devenir des voyages dans des endroits « qui ressemblent au paradis » avec safari en Land Rover, « repas al fresco » et « service signature », rien de moins. On vante les après-midi passés sur une « véranda privée », « couchés dans un hamac », « à lire ou [se] relaxer ». On propose des « tentes de luxe » et des « cabines privées » en guise d’hébergement pour profiter de la « savane africaine » et de la « forêt tropicale ».

Le tout « à partir de 4995 $ US »… Hum.

WE est en outre un vaste réseau international composé d’un nombre impressionnant de divisions*, dont certaines privées, sans que leurs interactions et leurs rôles soient toujours précis. De l’aveu même des Kielburger (dont on aimerait bien connaître le salaire), cette « structure organisationnelle est devenue trop complexe » avec le temps.

D’ailleurs, étrangement, c’est le bras immobilier de WE, créé l’an dernier pour gérer 40 millions en avoirs, qui a signé le contrat avec le fédéral. Non pas WE Charity. Hum.

Ajoutez à cela son unilinguisme (les onglets du site web du Mouvement UNIS mènent essentiellement à des sites en anglais). Ses problèmes financiers. Les démissions d’anciens membres du C. A. dans des circonstances douteuses. Les accusations de racisme et d’abus de pouvoir portées par des centaines d’anciens employés.

Et ajoutez, enfin, la longue liste d’inquiétudes formulées par le chien de garde des organisations caritatives au pays, Charity Intelligence. Cette dernière a levé plusieurs drapeaux rouges ces dernières semaines sur le manque de transparence et les problèmes de gouvernance de WE.

Pourquoi donc avoir donné à une telle organisation, de gré à gré, la responsabilité d’une enveloppe de 900 millions ? Sans la moindre enquête sur ce qui s’y passe ? Sous prétexte qu’il fallait rémunérer de toute urgence les jeunes Canadiens en ces temps de pandémie pour qu’ils fassent… du bénévolat ? Re-hum.

Peut-être que l’enjeu de toute cette affaire, finalement, est plus administratif que politique. Peut-être que parallèlement aux conflits d’intérêts dans lesquels se sont placés MM. Trudeau et Morneau, le vrai scandale est là : dans la facilité avec laquelle le gouvernement était prêt à confier à une organisation douteuse 1 milliard en fonds publics.

* WE Charity (US), WE Charity (UK), ME to WE Foundation (US), ME to WE Foundation of Canada, WE Charity Foundation, Wellbeing Foundation (Canada), Wellbeing Foundation America Inc. (US), We365 LP, We365 Holdings Inc., We365 GP Inc., Imagine 1 Day International Organization, etc.

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