Ainsi, Montréal-Nord est en train de devenir l’épicentre de l’épidémie à Montréal. On sonne désormais aussi l’alarme dans Saint-Michel et Rivière-des-Prairies, où les infections se multiplient rapidement.

C’est tout sauf étonnant.

Et ça rend encore plus risibles les sorties publiques de certaines célébrités qui ont osé prétendre que le coronavirus nous rend tous égaux. Il est en train de faire des ravages dans les quartiers les plus défavorisés de Montréal et les populations les plus vulnérables. D’autres grandes métropoles, récemment, ont fait le même constat.

À Montréal, le virus a initialement frappé avec plus de force certains arrondissements nantis. C’était un leurre. Ce virus est un traître, comme l’a si bien dit le Dr Arruda. C’est simplement parce que plusieurs résidants étaient de retour de voyage.

La tendance s’est déjà inversée. Les secteurs les moins favorisés sont désormais plus lourdement touchés. C’est le reflet d’un phénomène qui ne fait que trop rarement la manchette : les inégalités sociales de santé.

On parle ici des « écarts de santé systématiques entre les individus selon leur classe sociale », pour reprendre la définition donnée par la direction de santé publique de Montréal.

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Les inégalités ont des impacts majeurs, amplement documentés, sur l’état de santé des Montréalais. Il y a des écarts marqués tant pour ce qui est du taux d’incidence de diverses maladies que de l’espérance de vie en passant par d’autres variables importantes comme le poids des bébés à la naissance.

Ce qui se passe à Montréal-Nord est en train de démontrer que ceux qui se retrouvent en bas de l’échelle sociale sont aussi plus vulnérables au coronavirus.

Interrogez ceux qui connaissent intimement Montréal-Nord et les experts en matière d’inégalités, et ils énuméreront avec précision une multitude de facteurs qui rendent ce quartier plus fragile en pleine crise de COVID-19.

D’abord, il y a un nombre très élevé de locataires (92 % de la population), les logements sont petits et on y trouve des familles nombreuses. Parallèlement, il y a un déficit d’espaces verts. La distanciation physique, on l’aura compris, est un luxe.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Montréal-Nord est en train de devenir l’épicentre de l’épidémie à Montréal. On sonne aussi l’alarme dans Saint-Michel et Rivière-des-Prairies.

De nombreux résidants travaillent dans les secteurs de la santé et de l’alimentation. Et ils utilisent souvent les transports en commun. Ils sont donc plus exposés au virus. L’arrondissement est par ailleurs un désert médical (les élus se démènent depuis des années pour changer la donne). Ça signifie que l’accès aux soins et aux mesures de dépistage y est difficile. Sans oublier la barrière de la langue, qui complique les efforts de sensibilisation.

Montréal-Nord doit donc se battre contre le virus avec une armure rouillée et trouée, alors que d’autres ont les moyens de s’en offrir une beaucoup plus résistante.

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L’urgence, c’est de gérer la crise à Montréal-Nord pour contenir la propagation du virus le plus rapidement possible.

Les autorités de santé publique sont actuellement au chevet de l’arrondissement. Elles mettent une série de mesures de l’avant. On investit dans la prévention et la sensibilisation, on aménage des corridors sanitaires, on fournit des masques et on promet d’augmenter le nombre de tests. Tout ça est essentiel.

Mais, en parallèle, il serait sage aussi de penser à l’après-crise en matière d’inégalités sociales de santé. À réfléchir aux façons de les atténuer davantage grâce à des politiques publiques ciblées.

L’après-COVID-19, après tout, c’est maintenant qu’elle se joue. On se penche par exemple déjà, avec raison, sur l’avenir des résidences pour aînés. On pense aussi à la rémunération de certains travailleurs essentiels et à la valorisation de leurs métiers. C’est fondamental.

Investir dans les quartiers montréalais les plus défavorisés devrait aussi figurer dans nos priorités. Leurs armures, il y a longtemps que nous aurions dû les réparer.

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