Vous avez poussé un soupir de découragement après avoir appris que le Québec est frappé par une nouvelle crise du recyclage ?

On vous comprend. C’est désespérant !

Et ça l’est d’autant plus qu’en ce qui concerne les problèmes en matière de gestion des déchets, le Québec est dans la même situation que Bill Murray dans le film Le jour de la marmotte.

On pense que c’est fini… et ça recommence ! On pense que c’est fini… et ça recommence ! Et ainsi de suite…

En 2008, les centres de tri de la province avaient sonné l’alarme. Scénario similaire : ils étaient incapables d’écouler leur stock. Une aide d’urgence avait été offerte. Certains ont alors pu croire, naïvement, que la crise était terminée. Erreur. On avait simplement éteint les feux.

D’ailleurs, dans la foulée, le Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets (FCQGED) avait produit un rapport d’une dizaine de pages pour réclamer des gestes additionnels.

Son diagnostic était limpide : la crise avait été « largement amplifiée par la façon dont nous gérons les matières recyclables que nous récupérons ici même au Québec ».

La solution était tout aussi limpide : « Il faudrait augmenter la qualité des matières récupérées tout en développant parallèlement notre industrie du recyclage, ici, au Québec ».

Tout ça date de 2009.

Et qu’est-ce qui a changé depuis ? À peu près rien…

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On a investi timidement dans la modernisation des centres de tri, c’est vrai. On affirme que celui de Lachine, qui a ouvert ses portes il y a quelques semaines, serait à la fine pointe de la technologie. C’est plus que louable. Mais c’est loin d’être suffisant.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

« C’est désespérant ! », résume Alexandre Sirois au sujet de la crise du recyclage.

D’ailleurs le groupe TIRU, celui-là même qui est à la source de la crise actuelle au Québec, était l’exploitant du centre de tri de Lachine. Ça n’a pas pour autant réglé tous ses problèmes ; c’est avant tout « la crise mondiale du recyclage du papier » qui est décriée par sa filiale, le groupe RSC.

Notons par ailleurs que c’est le groupe TIRU qui avait reçu une aide supplémentaire de 29 millions de la part de la Ville il y a deux ans après avoir sonné l’alarme. On avait à l’époque, simplement, une fois de plus, éteint les feux.

Le fait que le groupe TIRU souhaite se retirer du marché québécois (même s’il a promis d’assurer la continuité des services aux citoyens jusqu’à nouvel ordre) nous permet de mesurer l’ampleur des enjeux auxquels on fait face. Cela dit, il est important de préciser que ce n’est pas que le sort qui s’acharne sur le milieu de la récupération. C’est qu’on ne s’est jamais véritablement donné les moyens de changer la donne.

Nos élus, dans ce dossier, souffrent carrément d’aveuglement volontaire. Comment expliquer autrement le fait qu’il est impossible de savoir quel pourcentage de ce qui est récupéré au Québec est véritablement recyclé ?

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Ce n’est pas parce que les solutions n’existent pas. On les connaît depuis longtemps. Et on sait qu’il faut déployer des efforts à la fois en amont et en aval.

En amont pour réduire la quantité de déchets et augmenter la qualité des matières qui se retrouvent dans les centres de tri. Les experts évoquent diverses initiatives comme l’uniformisation des matières recyclables acceptées à travers la province (solution qui figurait il y a plus de 10 ans dans le rapport du FCQGED) et une augmentation des efforts de sensibilisation. Ils laissent encore à désirer, à voir le contenu de ce qui est récupéré.

Ce n’est pas tout. Il est également nécessaire de limiter l’utilisation de certaines matières qui se recyclent mal, notamment dans les emballages, qui contaminent ce qu’on voudrait recycler. L’élargissement de la consigne que Québec devrait officialiser cette semaine devrait très certainement contribuer à réduire cette contamination. L’annonce sera à suivre de très près !

En aval, continuer la modernisation des centres de tri dans la province va de soi. Il faut aussi à tout prix traiter ici plus de matières récupérées (et cesser de se fier à la bonne volonté de pays comme la Chine ou l’Inde). On va donc devoir créer plus de demande, ce qui passe entre autres par l’obligation d’inclure un taux prédéterminé de matières recyclées dans certains produits.

En somme, tout un chacun doit faire un effort. Mais c’est le gouvernement du Québec qui est le mieux placé pour les inciter et les orchestrer, ces efforts.

Ça tombe bien, l’an dernier, le ministre de l’Environnement Benoit Charrette a créé un comité d’action pour la modernisation de la récupération et du recyclage. Ce dernier a remis son rapport il y a déjà plusieurs mois.

Ça signifie que le ministre dispose déjà d’un plan bien ficelé, prêt à être déployé.

Il a le choix. Donnera-t-il au Québec les moyens de mieux gérer ses matières recyclables ou va-t-il laisser ce rapport dormir sur une tablette, éteindre les feux et attendre la prochaine crise ?

La parole est à vous, Monsieur le Ministre.

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