Les incendies qui ravagent l’Australie ont déjà fait plus de 24 morts et des milliards de pertes en dommages. En regardant ce désastre, on est tenté de se dire : « Pauvres eux ! Espérons que ça n’arrivera pas chez nous. »

Et pourtant, le même phénomène survient ici. À une intensité nettement plus faible, bien sûr. Mais tout de même, les catastrophes naturelles augmentent en nombre et en intensité et elles coûtent de plus en plus cher.

Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter les assureurs. Pour eux, les changements climatiques ne sont pas un problème qui concerne nos enfants et nos petits-enfants et qui frappera surtout les pays en voie de développement. Le dérèglement du climat coûte déjà cher au Canada. Ils le savent, car ils l’ont calculé — c’est justement leur métier.

Pour ces spécialistes de l’analyse du risque et des probabilités, la cause est entendue. Les catastrophes naturelles « ont augmenté de façon spectaculaire au cours de la dernière décennie », selon le dernier rapport annuel du Bureau d’assurance du Canada.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

« Le dérèglement du climat coûte déjà cher au Canada. Les assureurs le savent, car ils l’ont calculé — c’est justement leur métier », explique Paul Journet.

Les réclamations ont bondi — de la décennie 2000 à la décennie 2010, la moyenne annuelle des sommes réclamées a quadruplé. Sans surprise, cette facture vous est en partie refilée. En effet, les primes d’habitation augmentent nettement plus vite que le coût de la vie. À cela s’ajoute la hausse des dépenses de l’État pour indemniser les sinistrés. Là encore, cette somme est refilée à l’ensemble des contribuables.

Il est vrai que cette hausse des coûts ne s’explique pas seulement par le climat. Elle résulte aussi de la vétusté des infrastructures municipales, de la hausse du nombre de sous-sols habités, et enfin de la perte des milieux humides et des espaces verts. En résumé, les précipitations augmentent, le sol de plus en plus asphalté n’éponge plus cette eau et les égouts ne suffisent pas à la capter.

On sait que les gens ont tendance à écouter davantage les experts qui partagent leur opinion ou à tout le moins qui partagent leurs valeurs.

Les électeurs plus à droite ne risquent donc pas d’être très réceptifs au discours de militants écolos anticapitalistes. Ni, hélas, à celui des scientifiques. Mais ces citoyens sceptiques seront plus sensibles aux craintes des géants de l’assurance, des gens qui portent la cravate ou le tailleur et qui savent compter les dollars.

Le géant de la réassurance Munich Re a un climatologue en chef, la TD a créé un comité-conseil sur le climat et un regroupement de géants de l’assurance (incluant Lloyd’s, Swiss Re, Aon et Prudential) a fondé le groupe ClimateWise pour documenter le risque. Ce risque est aussi documenté dans un nouveau rapport de RBC Banque Royale, Se frayer un chemin dans les années 2020.

L’industrie s’inquiète particulièrement pour l’avenir de l’assurance habitation. Dans certaines régions comme la Floride ou la Californie, c’est la viabilité de leur modèle d’affaires qui est en jeu, comme l’ont rapporté des analyses récemment publiées dans The Economist et le Financial Times. Si les primes augmentent trop, des secteurs deviendront inassurables, à tout le moins pour les non-riches.

Ces assureurs ne se demandent pas si les écolos sont des donneurs de leçon. Ils n’en font pas un débat moral sur notre mode de vie. Ils ne s’intéressent qu’à la froide analyse des chiffres, et pour eux, la conclusion est claire. À long terme, c’est l’inaction qui coûtera le plus cher. Voilà un discours qui mérite d’être relayé.

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