S'il y a une chose que les Québécois apprécient, c'est de voir des partis politiques qui osent mettre leurs divergences de côté afin de travailler ensemble pour le bien commun.

C'est ce qui est arrivé avec les soins de fin de vie. C'est ce qu'on a vu récemment avec le traitement judiciaire des agressions sexuelles. Chaque fois, les électeurs ont applaudi avec raison.

Et si la Coalition avenir Québec tentait la même chose avec un enjeu tout aussi fondamental : la laïcité ?

On a pu noter ces derniers jours comment la question des signes religieux était encore mouvante, comment elle continuait à faire réfléchir les caucus des différents partis. La CAQ débat la pertinence d'une clause de protection des droits acquis (« clause grand-père »). QS remet en question sa position officielle. Le PLQ se pose des questions (enfin !).

Si bien qu'en ce début de 2019, tout est encore possible. Le gouvernement Legault peut gonfler les muscles et imposer de force sa solution à tous les partis... ou il peut oser tracer une voie de passage qui fera consensus entre ces mêmes partis.

Car cette voie, elle existe bel et bien : c'est le compromis formulé dans le rapport Bouchard-Taylor. On interdit les signes religieux aux seuls agents de l'État dotés d'un pouvoir de coercition : policiers, juges, procureurs, agents des services correctionnels.

Tous les partis tournent autour de cette position comme des abeilles autour d'un pot de miel, sans trop s'en éloigner. QS en a fait sa position. Le PLQ s'en est rapproché brièvement cette semaine. La CAQ, en ajoutant les enseignants, n'est pas si loin. Même chose pour le PQ, avec les éducatrices en CPE.

Il suffirait donc pour chacun d'un tout petit pas pour transformer un compromis en consensus.

C'est naïf d'y croire encore aujourd'hui ? Jamais François Legault n'acceptera de retirer les enseignants de sa loi ? Eh bien, c'est oublier que c'est précisément ce qu'il voulait faire il y a 24 mois à peine !

Rappelez-vous. Dans un geste qui l'honore, le chef de la CAQ avait tendu la main à Philippe Couillard en février 2017. Il se disait alors prêt à renoncer à sévir contre les enseignants portant un signe religieux si cela permettait d'adopter le compromis Bouchard-Taylor, « qui fait consensus », précisait-il à l'époque.

« Je suis prêt à faire un compromis, avait-il ajouté, mais lui aussi, il doit faire un compromis. »

Malheureusement, le premier ministre Couillard avait choisi la ligne dure, comme il l'a fait tout au long de son mandat, ce qui explique d'ailleurs pourquoi on est encore plongé dans ce psychodrame aujourd'hui.

Et si, donc, François Legault s'inspirait de François Legault ? S'il se démarquait de son prédécesseur en choisissant la conciliation plutôt que l'obstination, comme il le suggérait lui-même il y a peu ? En plus d'être un coup de circuit politique, ce geste lui permettrait d'éviter de marcher pendant des mois sur un chemin plein de mines, comme il s'apprête à le faire en prenant de front les profs et leurs syndicats.

Et convenons-en : sur une question aussi fondamentale, un parti peut difficilement agir seul. Même François Legault le reconnaissait cette semaine. Il se disait prêt à des compromis, et même à « collaborer le plus possible avec les partis de l'opposition » afin d'élargir l'appui politique à son projet de loi sur la laïcité.

« Prenons une moins grosse bouchée et assurons-nous qu'on l'avale bien », a-t-il lancé pour justifier son intention d'appliquer l'interdiction seulement aux écoles publiques.

Or voilà précisément ce qu'un consensus politique lui permettrait de faire : prendre une moins grosse bouchée pour mieux l'avaler.

Bien sûr, certains chroniqueurs doctrinaires seraient en colère. Mais n'oublions pas que le mandat populaire qu'a obtenu la CAQ ne vise pas autant à s'attaquer aux enseignants qu'à adopter une loi affirmant le caractère laïque de l'État québécois.

N'oublions pas non plus qu'il existe un courant inclusif qui refuse toute restriction des libertés fondamentales. Dans un monde idéal, en effet, on n'aurait pas à agir de la sorte.

Mais le maintien d'une certaine paix sociale et la nécessité de passer collectivement à autre chose nous commandent un équilibre entre la protection des minorités et celle de l'identité québécoise. Elle commande à chacun, autrement dit, de mettre de l'eau dans son vin.

Chose certaine, peu importe la rigidité de la laïcité qui sera choisie, le Québec fera bande à part sur le continent. Raison de plus pour serrer les rangs autour d'une position ayant le plus large appui politique possible.

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