Le journalisme a le don de réveiller l’eau qui dort. On en a encore la preuve ces jours-ci. Des enquêtes successives de nos collègues de La Presse ainsi que du Devoir, de Global News et de l’Université Concordia ont permis d’apprendre que l’eau du robinet n’était pas toujours aussi claire qu’il n’y paraît.

Que ce soit dans les écoles primaires ou dans un grand nombre de chaumières de 120 villes de la province, la présence potentielle du plomb dans l’eau inquiète. C’est particulièrement vrai à Montréal, où la Ville, qui est au courant du problème depuis 2004, a tardé à prendre les moyens pour protéger ses citoyens. Résultat : plus de 300 000 personnes dans la métropole boivent peut-être – sans le savoir – de l’eau contenant plus de plomb que ne le prévoit la norme.

Heureusement, les révélations journalistiques ne sont pas restées lettre morte. La semaine dernière, ça se bousculait en conférence de presse pour annoncer des mesures qui permettront de régler le problème.

Pendant que Québec faisait savoir que la province sera la première à utiliser dorénavant la norme de plomb dans l’eau recommandée par Santé Canada, coupant de moitié la concentration jugée acceptable, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, lançait un nouveau plan d’action.

PHOTO BRENT LEWIN, ARCHIVES BLOOMBERG

« La Ville compte augmenter la cadence pour remplacer 48 000 entrées d’eau en plomb d’ici 2030 », écrit notre éditorialiste.

La Ville compte augmenter la cadence pour remplacer 48 000 entrées d’eau en plomb d’ici 2030. La plupart se trouvent dans des édifices construits avant 1970. Le tout coûtera plus de 513 millions de dollars. Dans les circonstances, ce n’est pas du luxe.

La Ville obligera aussi les propriétaires à changer la partie des tuyaux de plomb qui est sur le domaine privé. C’est logique. Rien ne sert de remplacer tous les conduits publics si les entrées privées sont toujours en plomb.

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Lors de la conférence de presse, la mairesse a fait la leçon aux propriétaires, notant que seulement 10 % d’entre eux ont à ce jour remplacé leurs entrées problématiques. Elle suggère dorénavant d’exécuter les travaux privés en même temps que les travaux publics et de refiler la facture aux propriétaires qui pourront échelonner les paiements sur 15 ans. « La Ville prend ses responsabilités. Si les propriétaires ne le font pas, on va le faire à leur place, c’est une question de santé publique », a dit la mairesse sur un ton quelque peu accusateur.

L’idée est louable. Il est de loin préférable de faire les travaux une seule fois que d’essayer de coordonner deux équipes d’excavation et de plomberie. Au niveau des coûts, les propriétaires devraient sortir gagnants.

Cependant, le ton sur lequel le message est véhiculé devra être revu. Jusqu’à maintenant, Montréal ne mérite pas le prix de communication publique sur la question du plomb.

Longtemps, même si elles étaient conscientes de la situation, les administrations successives ont tenu les citoyens dans le noir.

En 2016, sous Denis Coderre, lorsque la Ville a envoyé des lettres à des dizaines de milliers de locataires et propriétaires pour les informer que l’édifice où ils vivent a peut-être une entrée d’eau en plomb, elle avait bien peu de solutions à leur offrir. Des travaux étaient-ils prévus dans leur rue ? Et quand ? Combien de temps les propriétaires auraient-ils pour trouver un entrepreneur qui pourrait prendre en charge leur part des travaux ? Même en composant le 311 ou en appelant leur bureau d’arrondissement, plusieurs citoyens sont restés bredouilles, se faisant répondre après une longue attente que des travaux devraient avoir lieu avant 2030. Assez vague, merci.

On peut difficilement montrer du doigt la mairesse pour ces lacunes du passé. Valérie Plante promet de faire mieux. Et les propriétaires devront emboîter le pas. Québec, pour sa part, pourrait prendre une partie du fardeau en subventionnant une partie des travaux.

Avec un nouveau plan de communication et une planification claire, Montréal sera alors sur la bonne voie pour tirer un trait sur ce triste héritage du passé. Nous nous en porterons tous mieux.

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