Le ridicule ne tue pas, mais il peut quand même faire mal. Après avoir songé à interdire le « bonjour-hi » vendredi dernier, le gouvernement caquiste s’est finalement rendu à l’évidence : ce serait inapplicable et loufoque. Reste que ce bref égarement pourrait laisser des traces.

La défense du français est de plus en plus remise en question par les jeunes. Plus on propose des mesures caricaturales, plus on décrédibilisera le combat. Et plus on fragilisera la cause.

Pour s’en convaincre, on n’a qu’à regarder le dernier rapport de l’Office québécois de la langue française*. On y apprend que l’usage de l’anglais comme langue d’accueil augmente… en même temps que l’indifférence.

La nouvelle génération est davantage susceptible de croire que le français ne serait qu’un simple moyen de communication.

Que la langue serait utilitaire et non identitaire. Que sa défense serait une cause du passé et qu’il faudrait plutôt « s’ouvrir au monde ».

C’est pour cela qu’un gouvernement nationaliste n’a pas le droit à l’erreur. Il ne peut se permettre d’autres « pastagate ».

On ne veut pas accabler le nouveau ministre responsable de la langue française, Simon Jolin-Barrette. Ses propos sur le « bonjour-hi » doivent être remis en contexte.

Vendredi dernier, le Parti québécois interpellait le nouveau ministre à l’Assemblée nationale pour lui poser des questions sur le français. Au terme de l’exercice, M. Jolin-Barrette a répondu aux questions des médias.

Récemment arrivé en fonction, le ministre travaille encore sur son plan. On a voulu savoir ce qu’il ferait. Par exemple, on lui a rappelé qu’en novembre 2017, les élus avaient adopté une motion unanime pour inviter les commerçants à « accueillir chaleureusement [leurs clients] avec le mot “bonjour” ». Allait-il y donner suite ? « Je pense que je vais devoir traduire cela dans des mesures au cours des prochains mois », a répondu M. Jolin-Barrette.

Comment ? « Laissez-moi voir les possibilités », a-t-il dit. La porte était ainsi ouverte à l’interdiction du « bonjour-hi ».

Évidemment, ce ne serait pas très sérieux. L’État ne va pas dresser une liste d’expressions interdites aux citoyens qui échangent entre eux.

Des inspecteurs ne se mettront pas à surveiller les conversations dans les cafés et les boutiques afin de distinguer entre un « hi » et un « heille »…

Soyons tout de même charitables. M. Jolin-Barrette a répondu à chaud. Étant juriste, il devait réaliser que la mesure manquerait de sérieux. Il devait savoir que la langue d’accueil n’est même pas couverte par la Charte de la langue française.

Présumons donc que dans le feu de l’action, par principe, il ne voulait rien exclure pour montrer que tout serait étudié dans la préparation de son plan. Soit.

Mais il n’était pas nécessaire de laisser cette idée bancale planer toute la fin de semaine.

Pourquoi ne pas avoir corrigé le tir vendredi en fin de journée ?

Avec un peu de chance, d’ici quelques semaines, cette bourde sera oubliée. N’empêche qu’il y a une limite au nombre de munitions qu’un gouvernement nationaliste peut donner à ses adversaires.

Langue d’accueil à Montréal

2010/2017

Français : 84,2 %/74,6 %
Anglais : 12,1 %/17 %
Français et anglais : 3,7 %/8,4 %

Jeunes francophones (18-34 ans) indifférents à l’idée de ne pas être accueillis uniquement en français

2012 : 22,5 % 
2018 : 40,1 %

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