Pendant que les leaders du G7 discutaient à Biarritz, le week-end dernier, sur fond de gazouillis d’insultes, 1700 nouveaux incendies ont éclaté dans la forêt tropicale brésilienne. Pas 20, ou 30, ou 200. Mais bel et bien 1700.

Les experts sont formels : les incendies qui ravagent l’Amazonie sont presque tous d’origine humaine. Et un humain en particulier a contribué à la fulgurante explosion du phénomène : le président brésilien Jair Bolsonaro.

PHOTO ADRIANO MACHADO, ARCHIVES REUTERS

Jair Bolsonaro

Arrivé au pouvoir en janvier dernier, Jair Bolsonaro a mené, dès son arrivée en poste, une offensive tous azimuts pour défricher l’Amazonie. Élu grâce à l’appui du lobby des grandes industries agricoles, il n’a pas lésiné sur les retours d’ascenseur en nommant sept représentants du secteur à des postes clés au sein du gouvernement.

Son ministre de l’Environnement, Ricardo Salles, croit que le réchauffement climatique est un problème secondaire et qu’imposer des amendes pour des violations aux protections écologiques constitue un geste « idéologique ».

Sa ministre de l’Agriculture, Tereza Cristina da Costa, entretient des liens avec le plus gros producteur de bœuf du Brésil ainsi qu’avec l’industrie minière qui convoite elle aussi ces terres en voie de déforestation. Le chef de cabinet de la ministre est, quant à lui, proche du puissant lobby rural qui défend les intérêts des grands propriétaires fonciers.

Et ces intérêts sont simples : brûler autant de forêt amazonienne que possible pour augmenter la valeur des terres ouvertes à l’agriculture ou à l’exploitation minière.

Ce lobby peut compter sur l’appui indéfectible du chef de l’État. Jair Bolsonaro ne se gêne pas pour décrire l’Amazonie comme un territoire « improductif » qu’il faut à tout prix « intégrer à l’économie brésilienne ». En s’attaquant, en toute illégalité, aux 44 % de territoire de forêt tropicale actuellement sous protection.

Depuis l’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro, les défricheurs mafieux appuyés par des milices savent qu’ils n’ont rien à craindre.

Les deux grandes agences gouvernementales mises sur pied pour protéger la forêt amazonienne et les peuples autochtones qui l’habitent ont été dépouillées de leurs pouvoirs depuis huit mois. Ces organisations que le ministre de l’Environnement voit comme de nuisibles « machines à amendes » ont été mises hors d’état d’agir. Et les pyromanes ont, pour ainsi dire, le feu vert…

Et ils ne s’en privent pas. Plus de 40 000 incendies ont ravagé la forêt amazonienne brésilienne depuis le début de l’année, soit 84 % de plus que durant la même période l’an dernier.

PHOTO ERALDO PERES, ASSOCIATED PRESS

« Les experts sont formels : les incendies qui ravagent l’Amazonie sont presque tous d’origine humaine », souligne Agnès Gruda.

Pendant le seul mois de juillet, 2254 km2 de forêt tropicale se sont envolés en fumée, contre 596 km2 en 2018. Une augmentation de 278 % !

Le rythme de la destruction est sans précédent et frôle la catastrophe, affirme Christian Poirier, de l’organisation Amazon Watch. Celle-ci estime que 20 % de l’Amazonie brésilienne ont déjà été défrichés. Un territoire semblable a été quant à lui tellement dégradé qu’on approche d’un point de non-retour, celui où la forêt tropicale n’aura plus de tropical que le nom… et où le climat de la région aura été irrémédiablement affecté.

Le processus de déforestation peut-il être stoppé ? Oui. À preuve : il avait été ralenti de 85 % entre les années 2004 et 2015, particulièrement sous le régime de Lula da Silva.

Contrairement à ce que dit le président Bolsonaro, le sort de la forêt amazonienne ne concerne pas uniquement le Brésil. Il concerne la planète entière.

Mais comment faire pour convaincre le régime Bolsonaro de remettre en marche les mécanismes de protection de la forêt tropicale ? Le dernier sommet du G7 nous indique que ce n’est pas impossible.

Tout en bombant le torse devant les leaders mondiaux qui l’appelaient à combattre les incendies, tout en accusant le président français Emmanuel Macron de colonialisme, Jair Bolsonaro a fini par céder… quand ce dernier l’a menacé de retirer l’appui de la France au traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur, le marché commun rassemblant plusieurs pays d’Amérique latine.

Le Brésil se relève péniblement d’une longue et douloureuse récession. Et les seuls arguments susceptibles de le persuader de changer de cap dans sa politique en Amazonie sont des arguments économiques.

Hier, la ministre de l’Environnement de la Norvège a appelé les entreprises norvégiennes présentes au Brésil à éviter de contribuer à la déforestation. Concrètement, cela implique de scruter leur liste de collaborateurs brésiliens et d’éliminer ceux qui sont liés à des firmes qui trempent dans la déforestation illégale.

Selon Amazon Watch, le Canada est présent de manière marginale au Brésil – ce qui n’empêche pas les entreprises canadiennes de suivre l’exemple norvégien. Mais c’est surtout le secteur minier canadien, que le Brésil aimerait attirer vers ses terres nouvellement défrichées, qui a le pouvoir d’infléchir Brasilia en refusant de s’engager tant que le gouvernement de Jair Bolsonaro poursuivra ses politiques incendiaires.

Et à l’instar de la Norvège, le gouvernement Trudeau pourrait donner le signal.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion